Au lendemain de l'opération séduction d'Emmanuel Macron envers les patrons étrangers à Versailles pour le salon Choose France, le dossier olympique pourrait permettre à l'exécutif de mettre à nouveau en avant l'attractivité de l'Hexagone. Ce mardi, Paris 2024 a dévoilé les chiffres sur les retombées économiques des JO, commandités au Centre de droit et d'économie du sport (CDES) de Limoges, qui avait déjà planché sur la première étude prospective de 2016. Une étude officielle censée mettre fin aux chiffrages en tous genres parus ces derniers mois. Si les JO « mettent en valeur le sport », ils sont aussi « utilisés pour réussir à créer un impact d'un point de vue économique », a souligné Tony Estanguet, le patron de Paris 2024.

Focalisé sur l'Ile-de-France, qui concentre la grosse majorité des épreuves, et sur une période large de dix-sept ans (2018 - 2034), le rapport mesure l'impact à 9 milliards d'euros dans le scénario « privilégié » (sachant qu'une estimation basse est évaluée à 6,7 milliards, et une haute, à 11,1 milliards). Soixante-dix pourcents des retombées concernent la construction (2,5 milliards) et l'organisation de l'événement (3,8 milliards), contre 30 % pour le tourisme (2,7 milliards). L'impact est à 84 % concentré sur la période qui court avant et pendant les JO, le reste s'étalant sur les années d'héritage, estimées à dix ans après l'événement et concernant surtout l'effet sur le tourisme.

181.000 emplois mobilisés

L'inflation, le contexte géopolitique et un projet rentré dans le dur et non plus basé sur des hypothèses ont fait évoluer les données, estimées il y a huit ans (en euros courants) entre 5 et 11 milliards, le milieu de la fourchette étant à 8,1 milliards. « L'impact économique est en euros constants modérément supérieur à ce qui était évalué en 2016 », indique Christophe Lepetit, responsable des études économiques au CDES, en raison de modifications sur le projet qui « ont généré des dépenses supplémentaires réalisées, surtout, auprès d'opérateurs franciliens ».

L'estimation s'est affinée. A moins de trois mois des JO, les éléments sont tangibles, la quasi-totalité des marchés ayant été passés, et se basent sur les derniers chiffres « transmis par le CIO, Paris 2024, la Solideo, l'office de tourisme de Paris ou l'Insee », détaille Christophe Lepetit. Autre enseignement : l'effet local est plus fort que prévu. « 66 % des marchés de Paris 2024 vont à des bénéficiaires franciliens. C'est bien plus que ce qui avait été estimé », souligne-t-il. La majeure partie des retombées tient en effet à la manne créée par les Jeux pour les entreprises. Un marché de plus de 5 milliards générés à la fois par la Solideo, qui a assuré la livraison des ouvrages olympiques (Village olympique, village des médias, centre aquatique olympique…), et par Paris 2024, pour l'organisation de l'événement. Un gâteau fourni qui devait en partie revenir à des entreprises de taille moyenne.

Coté construction, 36 % des marchés sont allés aux PME-TPE et aux acteurs de l'ESS, en valeur, contre 25 % attendus. « Soit 2.655 PME-TPE bénéficiaires et 135 de l'ESS », précise Antoine du Souich, directeur de la stratégie de la Solideo. Du côté de l'organisation, 2.300 entreprises ont raflé les 2,7 milliards d'euros de marchés publics lancés par Paris 2024, dont 80 % de PME-TPE. « Auxquels s'ajoutent 500 à 600 entreprises sous-traitantes », indique Olivier Debargue, directeur délégué aux achats de Paris 2024. En matière d'emplois, plus de 181.000 personnes auront été mobilisées pour les Jeux.

Mais l'impact global des JO reste dépendant d'un aléa de taille : celui de la fréquentation touristique, qui influera sur les revenus des hôtels, restaurants et commerces. Pour éviter tout procès de surévaluation économique, dérive de précédents JO, les auteurs de l'étude sont partis des « billets vendus » mais « en ne conservant que les Français non franciliens et les étrangers, et en retirant des spectateurs occasionnels venus pour d'autres raisons que les Jeux, afin de rester le plus prudent possible », explique Christophe Lepetit. Au total, le CDES retient dans ses calculs entre 2,3 et 3,1 millions de spectateurs. « Les hypothèses de l'impact touristique sur le long terme sont toujours les plus dangereuses », prévient Jean-Pascal Gayant, directeur de l'IUT de Saint-Malo et économiste du sport : « Sydney, lors des JO de 2000, en attendait beaucoup. Or, dix ans plus tard, il n'y avait pas plus de touristes. »

Par définition, impossible également de prévoir l'effet à long terme sur l'attractivité auprès des investisseurs étrangers. « Au-delà des batailles de chiffres, les JO sont une sorte de piqûre de rappel. Comme Choose France, cela participe à un message envoyé aux entreprises internationales pour leur dire que le pays est ouvert », pointe Jean-Pascal Gayant. A travers la publication de ces chiffres, Paris 2024 tente d'éviter le piège de l'intérêt économique in fine des JO, principal angle d'attaque des opposants. Cette étude « mesure le surcroît d'activité lié aux Jeux, et non pas la mesure de la rentabilité de l'événement », tranche Christophe Lepetit, coupant court aux comparaisons avec les 8,9 milliards estimés du coût de l'événement (+16 % par rapport au budget initial). Une autre étude mettant en parallèle coûts et bénéfices sera réalisée après l'été. Mais Paris 2024 met d'ores et déjà en avant l'effet de levier, « un euro de dépense publique ayant généré trois euros d'impact économique ». Au final, l'étude ne se risque pas sur leterrain de la croissance économique, la plupart des économistes ayant minoré le poids des Jeux Olympiques sur le PIB de la France à terme.