Le procès de Jimmy Lai est l'un des plus importants depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale, imposée à Hong Kong par Pékin en 2020. Il a débuté en décembre 2023 et connu de nombreux ajournements.
M. Lai, 76 ans, est accusé de collusion avec des forces étrangères, une infraction passible de l'emprisonnement à vie. Il a plaidé non coupable.
Des pays occidentaux et des organisations de défense des droits humains réclament avec insistance la libération du fondateur du journal Apple Daily, poursuivi pour des articles qui soutenaient les manifestations monstres pour la démocratie, parfois violentes, de 2019, et pour avoir critiqué les dirigeants chinois.
- "La défense de la liberté" -
Le média incarnait les "valeurs fondamentales du peuple de Hong Kong (...), l'Etat de droit, la liberté, la défense de la démocratie", a témoigné M. Lai mercredi, s'exprimant pour la première fois depuis son arrestation en 2020."Plus on est au courant, plus on est libre", a ajouté l'homme d'affaires, qui a investi le monde des médias pour, a-t-il soutenu, "contribuer à la défense de la liberté".
Il a affirmé s'opposer à la violence et être défavorable à l'indépendance de Hong Kong, une chose "trop folle pour y songer".
Souriant, loquace et sûr de lui, Jimmy Lai a salué l'assistance et témoigné debout, encadré par quatre policiers.
Il s'est parfois montré un peu piquant, comme lorsqu'on lui a demandé pourquoi il s'était retiré de son entreprise de médias Next Digital après 2014. "Je suis le patron, si je veux prendre ma retraite, je peux le faire", a-t-il répondu.
Son témoignage intervient au lendemain de la condamnation pour "subversion" de 45 personnes militant pour la démocratie à des peines allant jusqu'à dix ans d'emprisonnement, au terme du procès d'opposants le plus massif organisé dans la métropole rétrocédée à la Chine par le Royaume-Uni en 1997.
- "Publications séditieuses" -
La femme et la fille de Jimmy Lai étaient présentes au tribunal, accompagnées du cardinal Joseph Zen, l'un des plus hauts dignitaires catholiques d'Asie, qui fait également l'objet d'une enquête au titre de la loi sur la sécurité.
L'homme d'affaires, qui est aussi catholique, s'est parfois retourné pour les regarder pendant son témoignage, ceux-ci étant assis à quelques mètres derrière lui. Lorsque le tribunal a levé la séance pour la journée et qu'il est sorti de la barre des témoins, il les a salués et leur a envoyé un baiser.
M. Lai est détenu depuis décembre 2020, ce qui a soulevé des inquiétudes sur son état de santé.
Son incarcération préventive, "simplement parce que son journal a osé critiquer le gouvernement (...), traduit la désintégration du respect des droits humains à Hong Kong", a dénoncé lundi Sarah Brooks, la directrice pour la Chine d'Amnesty International.
La diplomatie chinoise a pour sa part affirmé mercredi qu'elle considérait le magnat des médias comme "un agent et un laquais des forces opposées à la Chine".
Jimmy Lai "mérite notre admiration", a dit à l'AFP Mme Liu, une retraitée de 80 ans, mercredi, sous la pluie battante à l'extérieur du tribunal. "Il a beaucoup d'argent, il aurait pu s'en aller n'importe quand, mais il ne l'a pas fait."
L'homme d'affaires doit répondre du chef d'accusation de "conspiration en vue de diffuser des publications séditieuses" et de deux autres pour conspiration en vue d'une "collusion avec des forces étrangères".
Apple Daily a fermé en 2021. L'accusation reproche à M. Lai et à six cadres du journal de s'en être servi pour "encourager l'opposition au gouvernement" et dans le cadre d'une "collusion avec des pays étrangers".
L'accusation soutient que M. Lai a plusieurs fois demandé aux Etats-Unis et à d'autres pays d'imposer des sanctions ou de se livrer d'"autres activités hostiles" à l'encontre de la Chine et de Hong Kong.
Il lui est aussi reproché d'avoir aidé deux jeunes militants à faire pression pour obtenir des sanctions contre Pékin par l'intermédiaire du groupe militant "Stand With Hong Kong".
Les six cadres du journal et les deux militants ont plaidé coupable. Cinq d'entre eux ont témoigné contre Jimmy Lai.
Le magnat a cependant affirmé mercredi n'avoir "jamais" demandé à des contacts internationaux de prendre des mesures ou d'influer sur des politiques étrangères.
Il a reconnu avoir appelé en 2019 le vice-président américain Mike Pence à "s'exprimer en faveur de Hong Kong" mais a dit ne pas avoir réclamé d'actions, soulignant que cela était "hors de (s)a portée".
- Isolement prolongé -
Le mois dernier, le Premier ministre travailliste britannique Keir Starmer a affirmé que Jimmy Lai, qui a la nationalité britannique, était "une priorité" pour son gouvernement.
Un des fils de l'homme d'affaires a réclamé un soutien "beaucoup plus fort" de Londres, craignant que la santé de son père ne "s'aggrave".
Un groupe de juristes a déposé plusieurs plaintes auprès des Nations unies concernant la détention arbitraire et l'isolement prolongé du prévenu.
Dimanche, le gouvernement de Hong Kong a condamné ce groupe pour avoir "répandu des informations erronées", assurant que M. Lai avait lui-même demandé à être à l'écart des autres détenus.
Robertsons, un cabinet d'avocats qui représente M. Lai au procès, a affirmé qu'il avait "reçu les soins médicaux appropriés" et avait "accès à la lumière du jour par les fenêtres" à l'extérieur de sa cellule.