Le retournement est peut-être en vue, comme l'a prédit le mois dernier François Hollande, mais il intervient là où on ne l'attendait pas. L'an passé, après deux années de baisse, les investissements étrangers sont repartis à la hausse en France, selon le baromètre de l'attractivité élaboré par le cabinet EY (ex-Ernst and Young). L'Hexagone a attiré 514 implantations et extensions de sites étrangers en 2013, un chiffre en hausse de 9 % par rapport à 2012. Et les investissements étrangers dans le pays ont permis de créer 14.122 emplois, soit une croissance de 34 % par rapport à l'année précédente. Ce qui fait dire à Marc Lhermitte, associé chez EY, que
« le redressement est sensible et d'autant plus remarquable qu'il intervient après deux années consécutives de baisse des investissements. C'est aussi le signe que la France continue à compter », avance-t-il. D'autant que, l'Hexagone est leader en Europe en nombre d'implantations d'activités industrielles en 2013. Cette nouvelle devrait mettre un peu de baume au coeur de l'exécutif, très attaqué sur la perte d'attractivité de la France. Une cinquantaine de patrons de filiales de groupes étrangers en France avaient, notamment, publié, en décembre dernier, une tribune allant dans ce sens dans « Les Echos ». Le président de la République a fait en début d'année de l'investissement étranger l'une de ses priorités. Il a reçu, le 17 février dernier à l'Elysée, des patrons de grands groupes internationaux.Malheureusement, cette amorce de retournement n'est pas encore suffisante. Il va falloir la confirmer.
« C'est un signe encourageant, mais qu'il faut mettre en parallèle avec la reprise beaucoup plus importante de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne, et qui invite les décideurs politiques à ne pas relâcher leurs efforts pour améliorer la compétitivité du site France », estime Marc Lhermitte. D'abord, parce que la France ne retrouve pas son niveau d'avant-crise, ni en termes de nombre de projets, ni en termes de créations d'emplois. Le nombre d'emplois créés reste, par exemple, inférieur de 4.000 à la moyenne enregistrée entre 2004 et 2008. Ensuite, la France est en retard en matière d'accueil de centres de recherche et développement, de sièges sociaux et autres implantions à forte valeur ajoutée. Elle pointe au cinquième rang européen, selon le nombre de sièges sociaux ouverts, derrière l'Irlande et les Pays-Bas, principalement pour des raisons fiscales.
« Une image nuancée »
Enfin, elle occupe toujours la troisième position en Europe, derrière le Royaume-Uni et l'Allemagne, en termes de nombre de projets. Pour Marc Lhermitte,
« la moindre progression des investissements étrangers en France, par rapport à la Grande-Bretagne et à l'Allemagne, traduit le fait que les entreprises ont une image nuancée de notre pays, en matière de coût de production, de complexité de la vie des affaires et d'ouverture sur le monde ». Désormais, les investisseurs internationaux se posent la question de savoir pourquoi investir en France, membre d'une Union européenne ouverte, plutôt que de l'autre côté de la Manche ou du Rhin. Et la réponse n'est pas claire.
« Une grande partie des décideurs est attachée à la France mais se montre désormais impatiente. Ils considèrent que la ligne jaune a été franchie en matière de prélèvements obligatoires et de rigidités pour répondre à la crise. Pour eux, la France ne justifie plus son prix. Ils ont de plus en plus de mal à convaincre leurs conseils d'administration d'investir dans l'Hexagone », explique l'associé d'EY.Certes, le gouvernement a annoncé des mesures importantes, telles que le crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice) ou les baisses de charges liées au pacte de responsabilité. Mais, «
s'il y a eu une prise de conscience au niveau politique de l'urgence de la situation, maintenant, il faut agir sur la compétitivité et le faire savoir à l'extérieur », considère Marc Lhermitte.
« Ce qui importe c'est la vitesse de réaction de la France face à ses concurrents. C'est essentiel pour les entreprises. » Et c'est là que le bât blesse. Dans un contexte de défiance des électeurs vis-à-vis de l'exécutif, il va falloir mettre en oeuvre les baisses de charges et des économies. Pas sûr que les débats sur ces mesures rassurent les étrangers.
Un éclairage sur la GrandeBretagne et l'Allemagne et l'intégralité de l'étude sur lesechos.fr/france