Lancé en janvier, ce programme a connu des crises successives, entre accusations de népotisme, retards de financement, manifestations et intoxications alimentaires.
"Ma fille se plaignait de douleurs abdominales, de diarrhée et de maux de tête et n'arrêtait pas de vomir", a raconté à l'AFP, sous couvert d'anonymat, cette femme vivant à Bandung, au sud-est de Jakarta.
L'objectif du programme est de lutter contre les retards de croissance, qui touchent plus de 20% des enfants du pays, et de réduire ce taux à 5% d'ici 2045.
Cette année, l'opération vise à atteindre 17,5 millions d'enfants, pour un coût de 3,7 milliards d'euros. Mais le programme n'a concerné jusqu'à présent que 5 millions de scolaires, selon le ministère des Finances.
Et les cas d'intoxication alimentaire se sont multipliés, même si, pour Prabowo, à l'échelle du pays, il faut relativiser.
En mai, le chef de l'Etat a déclaré que les cas d'empoisonnement recensés avaient concerné "environ 200 personnes sur trois millions".
"Un peu plus de cinq personnes ont été hospitalisées, ce qui signifie que le taux de réussite est de 99,99%. Un tel taux, quel que soit le domaine, c'est une bonne chose."
- Soupçons de corruption -
Les vastes programmes d'aide en Indonésie sont souvent entachés d'allégations de corruption et ce programme n'échappe pas aux soupçons.
"Un budget de cette importance signifie que la possibilité de corruption est grande, surtout si l'on ajoute un contrôle laxiste", a jugé Egi Primayogha, chercheur à Indonesia Corruption Watch, stigmatisant également le manque de "transparence".
Le programme a été lancé peu après l'entrée en fonction de Prabowo en octobre et selon le magazine d'investigation local Tempo, "plusieurs partenaires retenus" étaient des partisans de Prabowo lors de son élection.
Pour Agus Pambagio, expert en politique publique, le plan a été lancé de façon précipitée.
"Le Japon et l'Inde le font (ce programme, ndlr) depuis des décennies. Si nous voulons faire comme eux en quelques mois, c'est du suicide", a-t-il estimé.
L'administration a alloué 0,52 euro par repas, pour un budget initial de 71.000 milliards de roupies (3,7 milliards d'euros) en 2025.
Mais les autorités sont accusées de retards et de sous-financement du programme. Ainsi, un traiteur de Jakarta a dû suspendre temporairement son activité en mars, le gouvernement n'ayant pas versé les 60.000 dollars qui lui étaient dus. L'affaire est devenue virale et l'entreprise a finalement été remboursée.
- Programme à repenser -
Le gouvernement a annoncé récemment une augmentation du budget de 5,2 milliards d'euros, mais l'a réduite de moitié alors que les problèmes s'accumulent, malgré l'objectif de livrer des repas à près de 83 millions de personnes d'ici 2029.
Des coupes budgétaires massives imposées à différents ministères et visant à financer le programme ont également déclenché des manifestations dans plusieurs villes en février.
Pour autant, certains parents assurent que le programme a été bénéfique.
"C'est très utile", a expliqué à l'AFP Reni Parlina, 46 ans. "Je donne toujours de l'argent de poche à mon fils, mais comme il a eu droit à un déjeuner gratuit, il a pu économiser cet argent."
Cependant, selon une enquête réalisée en mai par l'institut de recherche Populix, plus de 83% des 4.000 personnes interrogées jugent que le programme devrait être repensé.
"Si nécessaire, le programme devrait être suspendu jusqu'à ce qu'une évaluation approfondie soit effectuée", suggère M. Egi.
Contactée par l'AFP, l'Agence nationale de nutrition, chargée de superviser la distribution des repas, n'a pas répondu dans l'immédiat.
L'agence a précédemment indiqué qu'elle évaluerait le projet et qu'elle avait formé des milliers de membres du personnel de cuisine.
Quant aux responsables des cuisines, ils indiquent prendre également des précautions supplémentaires. "Nous rappelons constamment à nos membres de suivre les protocoles de sécurité alimentaire", a indiqué Sam Hartoto de l'Association indonésienne des entrepreneurs de la restauration, qui compte 100 membres travaillant avec le gouvernement.