Hong Kong est l'une des dernières villes au monde à encore se servir dans les chantiers modernes, de construction ou de rénovation, de ce matériau utilisé pendant plusieurs siècles en Asie, facilement disponible en Chine méridionale et transportable à moindre coût.
Les échafaudages en bambou sont polyvalents et durables et peuvent être montés et démontés dans des espaces réduits. Les représentants du secteur estimaient en janvier qu'ils représentaient environ 80% des structures de Hong Kong.
Les huit tours de la résidence de Wang Fuk Court, hautes de 31 étages chacune, objet d'importantes rénovations depuis l'an dernier, étaient quadrillées de treillages de bambou et de filets de protection.
Le gouvernement de Hong Kong a indiqué vendredi que les chutes de morceaux de bambou enflammés avait contribué à propager les flammes. La veille, il avait estimé "impératif d'accélérer" le passage à des échafaudages en métal pour des raisons de sécurité.
Mais les facteurs possibles sont multiples, notent certains spécialistes.
- 40 heures d'incendie -
"C'est une question complexe aux multiples facettes", explique à l'AFP Anwar Orabi, ingénieur civil spécialisé en sécurité incendie à l'Université australienne de Queensland. Pour lui, "une réponse claire est prématurée à ce stade".
"La bambou, ou plutôt l'ensemble de l'échafaudage, était en feu", ajoute-t-il, "ce n'est pas le seul facteur (...) mais c'est très probablement un élément" contributif.
Les premières constatations laissent penser que le feu a démarré sur un filet de protection, dans les étages inférieurs d'un des bâtiments, avant de rapidement s'élever via des planches de mousse "hautement inflammables", a déclaré vendredi le ministre de la Sécurité de Hong Kong, Chris Tang.
Ces planches en mousse étaient attachées aux vitres, les faisant exploser et permettant au feu de "s'intensifier et de se propager à l'intérieur", a-t-il ajouté.
La chaleur intense a embrasé les bambous, dont des morceaux en feu se sont brisés et sont tombés, permettant à l'incendie de s'étendre.
Le bambou a une certaine résistance au feu. Mais l'incendie du complexe Wang Fuk a duré 40 heures.
"On peut voir qu'il ne reste qu'une très petite portion de bambou", sur la deuxième tour, montre Ho Wing-ip, professeur d'ingénierie à l'Université polytechnique de Hong Kong, "s'il s'était agi d'échafaudages de métal, je pense que l'essentiel serait encore là".
- Bouc émissaire -
Mais pour lui, les planches de mousse semblent la raison essentielle de la vitesse à laquelle les flammes ont gagné l'ensemble du bâtiment. En outre si les huit tours aient été rénovées une par une et non concomitamment, "je ne pense pas que le feu se serait autant propagé", ajoute-t-il.
Lee Kwong-sing, président de l'Institut des professionnels de la sécurité a lui mis en cause les filets de protection, notant qu'ils sont nécessaire "même si vous utilisez des échafaudages en métal".
Lors d'une émission de radio, Chau Sze-kit, patron d'une association d'entreprises du bâtiment, a fait remarquer que "tant que (...) les règles sont suivies à la lettre, les deux (matériaux) sont relativement sûrs".
Sur les réseaux sociaux des habitants de Hong Kong ont fermement défendu l'usage du bambou, en faisant un symbole de l'identité de Hong Kong.
Soulignant que de larges portions semblent intactes, malgré la durée et l'intensité du feu, ils accusent le gouvernement de chercher un bouc émissaire et dénoncent un biais antiasiatique chez ceux qui critiquent cette tradition, notamment les médias occidentaux.
"Faire des échafaudages de bambou la principale explication du feu (...) c'est au fond incriminer ce qui est étranger et exotique", estime Leung Kai-chi, chercheuse en études hongkongaises, dans un post sur le réseau social Threads.
Dans un communiqué, une association de victimes d'accidents industriels a rappelé que trois incendies, liés à des échafaudages, avaient été précédemment recensés cette année à Hong Kong.