Après le Sénat, qui l'a approuvé mardi de justesse, la Chambre des représentants devait se prononcer dans la journée de mercredi sur ce texte de plusieurs milliers de milliards de dollars.

Mais l'opposition affichée de plusieurs élus conservateurs - qui dénonçaient le creusement de la dette publique avec cette législation - a forcé les responsables républicains à ralentir le processus, en laissant en suspens pendant plus de sept heures un vote de procédure.

Avec une majorité de seulement huit sièges, le parti présidentiel ne peut pas se permettre plus de trois défections dans son propre camp.

Or au moment où minuit sonnait à Washington, cinq voix "contre" étaient recensées chez les républicains pour le dernier scrutin de procédure, suffisamment donc pour couler le texte en théorie.

Quatre d'entre eux ont finalement changé leur vote - comme le permet le réglement. L'aboutissement de négociations en coulisses menées par le président de la Chambre des représentants, le républicain Mike Johnson, avec l'aide du locataire de la Maison Blanche.

- "MAGA n'est pas content" -

Car avant cela, Donald Trump avait commencé à élever le ton.

"Qu'est-ce que les républicains attendent??? Qu'est-ce que vous essayez de prouver???", a-t-il lancé sur sa plateforme Truth Social peu après minuit.

"MAGA n'est pas content, et ça vous coûte des voix", a ajouté tout en majuscules le tempétueux président de 79 ans, en référence à son mouvement "Make America Great Again".

Selon le quotidien The Hill, Donald Trump a parlé au téléphone dans la nuit pour convaincre les républicains ayant voté "non" de changer leur vote.

Cette "grande et belle loi", comme il l'a baptisée, représente la clé de voûte de son programme économique. Depuis plusieurs semaines, il presse le Congrès de l'adopter avant vendredi, jour de la fête nationale qu'il a fixé comme échéance symbolique pour la promulgation.

En tête d'affiche du projet de loi: la prolongation de colossaux crédits d'impôt adoptés lors du premier mandat du républicain. L'élimination de l'imposition sur les pourboires, promesse phare de sa campagne, est aussi prévue, de même que des milliards de dollars supplémentaires pour la défense et la lutte contre l'immigration.

Selon des analyses indépendantes, les principaux bénéficiaires de la "One Big Beautiful Bill" seront cependant les ménages les plus aisés, tandis que des millions d'Américains aux revenus modestes pourraient perdre leur accès à des programmes publics d'assurance santé ou d'aide alimentaire.

- "Freiner notre dette" -

Experts comme politiques pointent aussi du doigt l'explosion attendue du déficit public.

Le Bureau budgétaire du Congrès, chargé d'évaluer de manière non partisane l'impact des projets de loi sur les finances publiques, a estimé mardi que la "One Big Beautiful Bill" augmenterait la dette de plus de 3.400 milliards de dollars d'ici 2034.

"Je suis venu à Washington pour aider à freiner notre dette nationale", a affirmé Keith Self, un élu républicain à la Chambre, pour justifier avoir voté "non" lors du vote de procédure.

L'élu texan a accusé ses collègues du Sénat d'avoir "piétiné" la version adoptée précédemment à la Chambre, avant d'ajouter qu'au bout du compte c'était pour lui "une question de morale".

Comme trois autres collègues, il a finalement changé son vote en "pour" quelques heures plus tard.

Pour compenser en partie le creusement du déficit, les républicains prévoient de sabrer dans Medicaid, programme public d'assurance santé dont dépendent des millions d'Américains aux faibles revenus.

Une réduction drastique du programme Snap, principale aide alimentaire du pays, est également prévue, de même que la suppression de nombreuses incitations fiscales en faveur des énergies renouvelables adoptées sous Joe Biden.

Sans surprise, les démocrates s'opposent en bloc au texte.

Leur chef à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, l'a ainsi qualifié de "monstruosité répugnante" qui "fera souffrir les Américains ordinaires" au profit des plus riches.