En arrivant un beau dimanche de mai devant l'église du village de Rustroff, il accomplit son protocole habituel: troquer le jean pour un pantalon de chantier, sortir son matériel puis découvrir de quelle manière il accédera au clocher, sous les yeux de son père, qui l'accompagne et veille à sa sécurité. 

Hugo Gautraud a l'habitude de grimper sur des échelles plus ou moins raides ou brinquebalantes: ce lycéen, en classe de seconde, voudrait même passer plus de temps dans les clochers. "Ca me permet de souffler de l'école et de parler de ce que j'aime vraiment dans la vie, donc les cloches et le patrimoine campanaire en général", sourit le jeune homme.

Il arrive équipé de divers enregistreurs pour capturer au mieux le son des cloches, de  plusieurs objectifs pour les filmer sous tous les angles, des lumières et des outils de mesure pour les examiner dans les moindres détails.

Ce campanologue (expert ès cloches) en herbe donne ainsi libre cours à sa passion depuis l'âge de 13 ans.

Mais s'il passe sa vie entre chapelles romanes et églises gothiques, il est aussi de son siècle: sur YouTube, sa chaîne "Les cloches mosellanes" propose 43 vidéos. On y voit des églises, dans leur village, avec des vidéos au drone tournées par le petit frère, puis on admire le mouvement des cloches en train de sonner pendant environ cinq minutes, sous différents angles.

- "Shooting photo" -

L'une des cloches de l'église de Rustroff date de 1501. Ce dimanche est son jour de gloire: elle a droit à un "shooting photo" sous toutes les coutures, sourit Hugo. 

Il filme toutes les images, motifs et gravures ou même certains blasons encore visibles sur les cloches, étudie l'usure des points de frappe et regarde les battants comme un professionnel.

D'une manière générale, les campanologues souhaitant répertorier ces "dames de bronze" leur font "un peu leur carte d'identité", résume-t-il. Mètre à la main, il en mesure le diamètre, qui permet, avec une formule mathématique, d'en estimer le poids, pouvant aller jusqu'à plusieurs tonnes.

Lui-même admet une passion "insolite": s'il échange très souvent par téléphone avec d'autres fondus du bronze, il en connaît peu.

"C'est extraordinaire" de rencontrer "quelqu'un de si jeune et de passionné", estime Olivier Segura, le maire de Stuckange, dont Hugo Gautraud a exploré la chapelle. Il espère que cela puisse donner "un bel exemple à d'autres jeunes".

De "nombreux jeunes" sont intéressés par l'exploration de ce "lieu mystérieux interdit au public, mais aussi attirés par l'effet sonore des sonneries qui laissent rarement indifférent quand l'ensemble des cloches sonnent", dit à l'AFP Eric Sutter, président de la Société française de campanologie, qui dénombre "plus d'une trentaine de chaînes sur YouTube ou de blogs en France consacrées aux sonneries de cloches et alimentés par ces campanophiles en herbe".

- Risques -

Il les met néanmoins en garde face aux risques: "planchers ou échelles pourries par les fientes de pigeons, chute de battant ou de la cloche par mise en oeuvre inappropriée du mouvement". 

Cette passion nécessite d'obtenir des autorisations auprès des mairies notamment.

La Moselle compte près de 3.500 cloches, selon Hugo, ce qui en ferait le département qui en a le plus en France.

Un millier d'entre elles ne sont pas encore répertoriées, ce à quoi il "rêve" de remédier, pour "publier un livre ou un recueil" avec "leur histoire, leurs caractéristiques".

L'histoire des cloches a été mouvementée, particulièrement en Moselle, où certaines ont été fondues par les Allemands durant les différentes occupations de cette partie de la Lorraine.

A Rustroff, l'une des deux cloches date de 1501. "Elle n'a jamais été spoliée, les anciens racontent que les Allemands ont respecté son âge..." dit à l'AFP Gérard Hennequin, président de l'association des amis du retable de l'église de Rustroff.