François Hollande a tranché. Non sans difficulté. A l'issue d'une nouvelle journée d'intenses tractations et d'une ultime réunion au sommet à l'Elysée, François Hollande a finalisé hier soir la nouvelle carte des régions. La France comptera 14 régions, contre 22 actuellement. Soit un peu plus que l'objectif affiché début avril par Manuel Valls dans sa déclaration de politique générale : réduire « de moitié » le nombre de régions. « Le temps est venu de simplifier et clarifier pour que chacun sache qui décide, qui finance et à partir de quelles ressources », écrit le chef de l'Etat dans une tribune publiée ce matin dans la presse quotidienne régionale. Affichant son désir de « transformer pour plusieurs décennies l'architecture territoriale », il dit vouloir « davantage de responsabilités » et « moins d'élus » dans les régions.Comme prévu, le choix a été fait de regrouper les régions existantes et non de les démanteler. Le regroupement « bloc par bloc » était devenu un cheval de bataille des présidents de région, prêts à tout pour éviter de se faire « dépecer ». Il paraissait aussi le seul réalisable en seulement quelques semaines. Sept régions sont même dispensées de fusion et font cavalier seul. C'est le cas de l'Aquitaine, des Pays de la Loire, du Nord-Pas-de-Calais, de la région PACA, de la Corse et de l'Ile-de-France. Mais aussi de la Bretagne, qui était, ces derniers jours, l'objet de toutes les attentions. Emmenés par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, les élus bretons ont eu gain de cause.Poitou-Charentes, un temps pressenti pour s'allier avec les Pays de la Loire, s'unira finalement avec le Centre et le Limousin. La réforme entérine aussi d'autres nouveaux couples : Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon (malgré le refus affiché par le président de cette dernière, le socialiste Christian Bourquin), Rhône-Alpes et Auvergne, Alsace et Lorraine, Franche- Comté et Bourgogne, Haute et Basse-Normandie et, plus étonnant, Picardie et Champagne-Ardenne.Cette carte de France devra être votée au plus tard à l'automne prochain. Deux textes doivent être présentés le 18 juin en Conseil des ministres. La nouvelle carte sera soumise au débat parlementaire, mais François Hollande prévient : « Il faut aller vite car il ne nous est pas permis de tergiverser sur un sujet aussi important pour l'avenir du pays ». Le chef de l'Etat annonce en effet le report des élections régionales et pour les conseils départementaux de mars « à l'automne 2015 ».

« Ca va tanguer »

Pour l'heure, les départements sont maintenus, une réforme de la Constitution étant jugée trop risquée. François Hollande se donne seulement un « objectif » de « révision constitutionnelle » pour supprimer le conseil général « en 2020 ». « Je veux croire qu'une majorité politique nette se dessinera en faveur de ce projet », plaide-t-il. Si le département reste « une circonscription de référence essentielle pour l'Etat », ses attributions seront « absorbées » de « façon progressive » par les régions et les intercommunalités. Les premières, qui disposeront de « moyens financiers propres et dynamiques » ( sans doute de la fiscalité supplémentaire ), géreront les collèges. Elles auront aussi en charge « l'aménagement et les grandes infrastructures ». A elles la puissance économique. Les intercommunalités, de leur côté, seront « la structure de proximité ». Mais elles seront « renforcées » et « changeront d'échelle », avec un seuil minimum de 20.000 habitants en 2017, contre 5.000 aujourd'hui.François Hollande joue là une partie risquée. En avançant sur un terrain miné, il tente d'apporter la preuve de son courage politique. Il veut montrer qu'il « fait le job » et impose une réforme « majeure », en allant plus loin, en l'espèce, que ses engagements de campagne. Et ce, malgré les protestations d'une partie de son camp. « On ne peut pas dire que le président a choisi la voie de la facilité », insiste-t-on à l'Elysée. « Plus encore qu'une réforme d'ampleur, l'important, pour lui, c'est qu'il y ait une réforme et que ça gueule. Qu'il avance malgré les protestations », analyse un ténor de la majorité. Les prochaines semaines s'annoncent houleuses. « Ca va diffuser dans la population. Ca va tanguer », s'inquiète un haut responsable. La question est surtout de savoir si un président affaibli, au plus bas dans les sondages, à ce point contesté qu'une partie de sa majorité le juge déjà disqualifié pour une présidentielle qui ne se déroulera que dans trois ans, a les moyens d'imposer une réforme aussi difficile. Au sein même de la majorité, certains en doutent. François Hollande fait valoir, lui, qu'il s'agit de rien de moins que de « moderniser notre pays et le rendre plus fort ».

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