« Des gens bluffants, qui se dépassent, qui font preuve d'une force mentale impressionnante et qui nous font oublier leur handicap. » C'est ce que Marlène Cappelle retient des athlètes qu'elle a vu derrière son écran lors des Jeux paralympiques de Paris cet été. Déléguée générale du Conseil national handicap et emploi des organismes de placement spécialisés (Cheops), elle en est convaincue, alors que se déroule (jusqu'au 24 novembre) la semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées : ces Jeux ont montré au grand public que ces salariés, au même titre que les valides, peuvent réaliser de grandes choses. De quoi pousser les entreprises à davantage recruter ces profils ?
« S'il y a du mieux côté emploi des salariés avec un handicap ces dernières années, il y a encore du chemin à parcourir », résume-t-elle. En 2022, le taux de chômage des personnes en situation de handicap était de 12 %, contre 17 % en 2015, selon la Dares. Mais cela reste près du double de la population générale, où le taux de chômage s'établissait à 7 %.
Des quotas à respecter
Pour encourager les recruteurs à employer des personnes en situation de handicap, une loi a été passée en 1987. Depuis, les entreprises de plus de vingt salariés doivent employer au moins 6 % de salariés ayant une reconnaissance de handicap. Faute de quoi elles doivent s'acquitter d'une contribution financière. Résultat : en 2023, 31 % des entreprises soumises à cette obligation la respectent, selon la Dares. 39 % accueillent moins de travailleurs en situation de handicap qu'elles le devraient. Pis : 30 % n'en accueillent aucun. Et certains secteurs sont plus volontaristes que d'autres. Parmi ceux qui présentent les meilleurs chiffres : les entreprises de l'administration publique, l'enseignement, la santé et l'action sociale et l'industrie. A l'inverse, il y a beaucoup à faire dans l'information et communication.Au vu de ces chiffres, on peut se demander si la pénalité financière est vraiment incitative. Christian Ploton, président de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph), assure que oui. Et pour lui, les entreprises qui versent une pénalité contribuent malgré tout à faire avancer les choses :
« Les ressources que nous recevons par ce biais permettent de financer diverses actions visant à favoriser l'insertion professionnelle de ces profils. » Si certains recruteurs n'embauchent pas (ou peu) de salariés en situation de handicap, c'est, entre autres, en raison d'a priori, pense Marlène Cappelle.
« Ils pensent qu'ils vont devoir se lancer dans des démarches administratives lourdes pour obtenir des aides financières pour adapter le poste de travail au handicap, par exemple avec un fauteuil ou un logiciel adapté, développe-t-elle.
Mais des structures comme la nôtre les accompagnent pour les demander ! » Christian Ploton constate qu'une autre idée reçue a la vie dure :
« Certains recruteurs, par exemple dans la restauration, sont convaincus que leur activité ne peut être exercée par des travailleurs avec un handicap. C'est faux, n'importe quel métier peut être exercé, à partir du moment où les aménagements de poste nécessaires sont apportés ! » Les entreprises peuvent aussi mieux faire une fois ces salariés recrutés, souligne Dominique Silvani, directrice de Cap emploi corse, organisme qui a pour mission d'accompagner vers et dans l'emploi les personnes handicapées et leurs employeurs. Elle met en avant deux enjeux cruciaux : les maintenir en emploi, et leur permettre de progresser.
« Certains salariés se mettent des barrières, se privent de postuler à des postes qui leur permettraient de gravir des échelons, par manque de confiance. Et en face, des recruteurs ne pensent pas forcément à les accompagner dans leur évolution » Certaines entreprises vont toutefois au-delà de leurs obligations légales. Exemple chez Automatic Data Processing (ADP), éditeur de solutions de paye et RH qui dénombre plus de 2.000 salariés en France. Parmi eux, 7,2 % de travailleurs en situation de handicap. L'entreprise assure avoir formé l'ensemble de ses collaborateurs sur le handicap en entreprise via un e-learning obligatoire d'une heure. A ses salariés en situation de handicap, elle propose jusqu'à quatre jours d'absence rémunérés par an, leur permettant de déposer une demande de Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) ou de recevoir des soins médicaux liés à leur situation. Certains employeurs cherchent aussi à accompagner leurs salariés aidants. Depuis 2017 chez GRDF, les salariés parents d'enfants en situation de handicap peuvent bénéficier d'une aide allant jusqu'à 800 euros nets par an. Par exemple, pour couvrir des frais de certains professionnels de santé qui ne sont pas remboursés. Ces salariés derniers se voient aussi octroyer jusqu'à huit jours de congé supplémentaires par an. Même chose chez ADP, et pour un public plus large : sont aussi concernés les salariés qui ont un conjoint ou un bel-enfant en situation de handicap. De quoi, pour ces entreprises, favoriser dans le même temps leur marque employeur.