Tic-tac, tic-tac… même si les mois de janvier à mars ne sont pas ceux où ils en embauchent le plus, les entreprises sont dans l'expectative sur l'avenir de la prime de 6.000 euros pour tout recrutement d'un apprenti. Celle-ci prend fin le 31 décembre et le ministère du Travail sortant a confirmé aux « Echos » qu'il ne publiera pas le décret de prolongation de l'aide en 2025. Motif invoqué : une telle mesure ne relève pas de la gestion des affaires courantes. Ce sera donc à la prochaine équipe de décider, avec la possibilité, si rien n'est fait à temps, d'un retour à la situation, nettement moins favorable, qui prévalait en 2018 !

Pour mémoire, la loi du 5 septembre de cette année-là qui a porté la réforme Pénicaud de l'apprentissage avait unifié les quatre primes qui existaient jusqu'alors en une seule, dite prime unique, éligible aux seules entreprises de moins de 250 salariés pour les alternants préparant un diplôme jusqu'au bac. Son montant avait été fixé par décret : 4.125 euros maximum pour la première année d'exécution du contrat, 2.000 euros maximum pour la deuxième année, et 1.200 euros maximum pour la troisième.

Fin du « quoi qu'il en coûte »

Avec le Covid et les mesures du plan « 1 jeune 1 solution », la prime, d'unique, est devenue exceptionnelle en passant à 8.000 euros pour l'embauche d'un apprenti de plus de 18 ans (5.000 pour un mineur), au seul titre de la première année, quels que soient les effectifs de l'employeur et le niveau du diplôme. La générosité publique explique en grande partie l'essor exceptionnel de l'apprentissage qui en a découlé. Cherchant à arrêter les frais du « quoi qu'il en coûte », le gouvernement Borne l'a ramenée à 6.000 euros le 1er janvier 2023, montant reconduit en 2024, à chaque fois par décret. Dans l'attente de la nomination du gouvernement Bayrou, les entreprises ne peuvent que spéculer sur les options sur la table. La plus probable ou plutôt le plus espéré par les intéressées ? Que Matignon prolonge d'un mois ou deux l'aide de 6.000 euros, le temps que le prochain gouvernement fixe ses futurs contours dans le prochain budget. Pour mémoire, le gouvernement sortant avait proposé qu'elle soit rabotée de 1.500 euros avec, à la clé, une économie de 660 millions d'euros, au détriment des grandes entreprises et des alternants du supérieur.

Autre option, Matignon et le ou la future ministre du Travail pourraient accélérer le calendrier, en remodelant l'aide d'ici au 31 décembre, histoire d'ancrer sans tarder des premières mesures d'économies dans les dépenses publiques. Juridiquement, c'est possible puisqu'un décret suffit. Sauf que le signal risquerait d'être mal perçu par les parlementaires qui ont leurs idées sur la question, en témoignent des amendements déposés au Sénat sur le PLF Barnier. Sans oublier les partenaires sociaux, patronat au moins, qui pourraient se vexer d'être mis devant le fait accompli.Si, enfin, rien n'est décidé avant le 31 décembre, volontairement ou parce que la nomination du prochain gouvernement a trop tardé, alors le droit commun de 2018 reprendra ses droits. A un bémol près, le montant versé au titre de la première année d'exécution du contrat resterait à 6.000 euros, pour des raisons liées à l'enchevêtrement très complexe des décrets qui se sont succédé depuis 2018. Ajoutant au flou ambiant, certains affirment que les montants des 2e et 3e années seraient réhabilités, d'autres l'inverse !Les TPE et PME (moins de 250 salariés) y perdraient en partie, puisqu'elles ne toucheraient plus rien pour l'embauche d'un apprenti préparant un diplôme du supérieur. Les grands groupes (au-delà de 250 salariés), eux, y perdraient tout, puisqu'ils ne percevraient plus rien. Leur espoir ? Que le prochain gouvernement trouve le bon calibrage en début d'année, via un décret ou le budget (s'il est voté), sans trop tarder.