C'était une première manche dans l'après-midi devant le Conseil d’État. Le rapporteur public, qui dit le droit, a estimé qu'il était trop tôt pour un tel recours de C8, la sélection des chaînes par le régulateur de l'audiovisuel n'étant pas définitive.
Le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative, doit rendre sa décision à ce sujet dans la semaine qui vient.
S'il suit les conclusions du rapporteur public, il rejettera la requête de C8, en estimant qu'elle n'est pas recevable puisqu'elle arrive avant la décision finale de l'Arcom attendue début décembre. "La jurisprudence est solidement établie" depuis une trentaine d'années, a ainsi justifié le rapporteur public.
Propriété du groupe Canal+, dans le giron du milliardaire ultra-conservateur Vincent Bolloré, C8 pourra attaquer ultérieurement cette sélection définitive par l'autorité de régulation de l'audiovisuel. Sa publication doit intervenir après la conclusion de conventions avec les nouveaux titulaires de fréquences, pré-choisis en juillet.
- pétition -
Mobilisée comme tout l'empire Canal+, C8 a lancé en fin de semaine dernière une pétition pour demander son maintien, qui a rassemblé près de 700.000 signatures.
Pour la réattribution de 15 fréquences télé en 2025, une pré-sélection par l'Arcom avait été dévoilée fin juillet. L'autorité indépendante de régulation avait écarté le renouvellement de NRJ12 et C8, dont le bail arrive à échéance fin février, et n'avait pas retenu la webtélé de gauche radicale Le Média.
"Si on n'est pas choisi, on est exclu" et déjà "les conséquences sont plus que significatives pour C8", a soutenu l'avocat de la chaîne, Me Emmanuel Piwnica, à l'audience vendredi. La pré-sélection n'est pas "une zone d'ombre" et elle "nous fait grief", a appuyé devant la presse Franck Appieto, directeur général de C8.
NRJ12 et Le Média ont également saisi le Conseil d’État et porté les mêmes arguments. "C'est une fiction" que de faire croire que les futurs titulaires de fréquences n'ont pas été sélectionnés, a protesté dans les couloirs Maryam Salehi, vice-présidente de NRJ Group, propriétaire de la première.
Le Conseil d’État avait déjà rejeté en septembre leurs recours intentés en référé (procédure d'urgence).
Deux nouveaux venus ont été préférés à C8 et NRJ12: OFTV (groupe Ouest France) et RéelsTV (CMI France, du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky).
NRJ 12 avait été la première à dégainer un recours, en septembre. D'après NRJ Group, la "viabilité économique" et donc "l'existence" de la chaîne est menacée et, par ricochet, "le modèle économique de Chérie 25", autre antenne du même groupe.
C8 avait suivi devant la justice, en invoquant une situation "particulière au regard des enjeux économiques, sociaux et concurrentiels engendrés" pour une chaîne existant "depuis près de 20 ans", selon son propriétaire Canal+. Quelque 400 emplois seraient concernés.
- L'après -
C8 a cumulé 7,6 millions d'euros d'amende en raison des dérapages de son animateur vedette Cyril Hanouna. L'Arcom a "surtout entendu sanctionner la chaîne" pour ces "manquements" liés à l'émission "Touche pas à mon poste" (TPMP) mais ceux-ci ont déjà été "sanctionnés lourdement", pointe encore Canal+.
Cyril Hanouna se prépare à toute éventualité. Il a assuré fin octobre qu'il resterait quoi qu'il en soit dans le groupe Canal+, au sein duquel il travaille pour créer une offre multimédia déclinée sur internet et sur support papier, en plus de la télévision.
Le renouvellement des fréquences a aussi agité la sphère politique.
Le député LFI Aurélien Saintoul, rapporteur d'une commission d'enquête sur la TNT début 2024, avait notamment déploré en juillet que l'Arcom ait retenu la candidature de CNews, accusée par de nombreux politiques de gauche de promouvoir des idées d'extrême droite, ce qu'elle conteste.
Également propriété de Canal+, CNews a accédé à la première marche du podium des chaînes d'info en continu à plusieurs reprises ces derniers mois.
Deux programmes de la chaîne ont fait l'objet d'amendes de 100.000 et 50.000 euros, a indiqué l'Arcom jeudi.