L'entrepreneuriat est un terme masculin, et pas seulement du point de vue de la langue française. Selon les derniers chiffres de Bpifrance, les femmes représentaient seulement 32 % des créations d'entreprises en 2022. Une proportion qui stagne… depuis dix ans ! Dans le petit monde des start-up, ce n'est pas du tout mieux : seules 7 % des équipes fondatrices sont composées uniquement de femmes et 20 % sont des équipes mixtes.

Pour mieux comprendre cette situation, l'incubateur spécialisé dans l'entrepreneuriat féminin Willa, Roland Berger et le lobby des start-up France Digitale viennent de publier une étude intitulée « Le 'gender gap' dans l'entrepreneuriat ». « Nous avons posé des questions très concrètes aux femmes mais aussi aux hommes entrepreneurs, pour sortir de la perception de discussion de comptoir », résume Laurent Benarousse, associé chez Roland Berger. Les résultats ne sont pas très surprenants. « Ils confirment les intuitions qu'on peut avoir, à savoir l'aversion des femmes au risque et le fait qu'elles capitalisent sur plus d'expérience avant de créer leur entreprise », observe Maya Noël, directrice générale de France Digitale. L'étude révèle, en effet, que les femmes se lancent en moyenne deux fois plus tard que les hommes dans l'entrepreneuriat.

Situation familiale

Près d'une femme sur deux (44 %) attend d'avoir au moins dix ans d'expérience pour entreprendre, alors que les hommes ne sont qu'un quart (25 %) à être dans ce cas. Cet écart peut s'expliquer par le traditionnel « syndrome de l'imposteur » présent chez beaucoup de femmes, mais aussi par sa situation familiale, en particulier la maternité. Un tiers des femmes entreprennent après avoir eu un enfant, alors que seuls un cinquième des hommes attendent leur premier enfant pour se lancer.

Quête de sens

La situation financière joue aussi beaucoup. « Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de se lancer avec un revenu annuel inférieur à 60.000 euros (65 % contre 45 %). Ceci explique le fait qu'elles soient plus nombreuses à investir moins de 10.000 euros au démarrage de leur entreprise (41 % contre 33 % chez les hommes), car leur épargne n'est pas au niveau de celle des hommes », soulignent les auteurs de l'étude. La décision d'entreprendre est aussi très différente entre les deux sexes. Aucune femme interrogée pour cette étude n'a mentionné de vocation entrepreneuriale, contre 20 % d'hommes. « Comme si ce concept n'existait pas », s'étonne Marie Georges, présidente de Willa.Environ 28 % d'entre elles envisagent de se lancer après un tournant dans leur vie professionnelle, comme une démission ou un licenciement. Et 19 % se jettent à l'eau car elles sont en quête de sens. « Cela renvoie à l'idée que l'entrepreneuriat par les femmes ressemble plus à un projet de vie qu'à un habit de carrière professionnelle », estime Marie Georges. C'est donc sans surprise que de nombreuses femmes entreprennent dans les secteurs environnementaux ou sociétaux.

Le concept de réussite

Autre écart marquant entre fondateurs et fondatrices : le concept de réussite. Pour 77 % des répondantes, c'est la rentabilité et pour 56 % l'atteinte du leadership dans son secteur. Chez les hommes, le concept numéro 1 est le leadership. « L'objectif de rentabilité montre qu'il y a, à la fois, une volonté de garder le contrôle sur l'entreprise, de garder une profitabilité intrinsèque et d'anticiper une difficulté future pour lever des fonds », décrypte Laurent Benarousse.

Comme le répète régulièrement l'association Sista, qui vise à réduire le fossé de financement entre fondatrices et fondateurs dans la tech, les femmes lèvent moins de fonds que les hommes. Cela s'explique par les biais conscients et inconscients des investisseurs, mais aussi car « elles ne manifestent pas l'envie de recourir à tout prix à ce moyen de financement », est-il indiqué dans l'enquête. Les auteurs de l'étude adressent des recommandations pour réduire tous ces fossés : de l'accompagnement des femmes à la levée de fonds, à la formation des biais aux investisseurs, en passant par la mise en place de modèles féminins.