La French Tech est en train d'opérer une petite révolution. Moins axées sur le logiciel, davantage dans le « dur », les greentechs ont été les start-up les plus financées en 2023, avec 2,7 milliards d'euros levés. Une dynamique qui s'inscrit dans le sillage du plan France 2030, destiné à rattraper le retard industriel français et à investir dans la transition écologique. Fairmat fait partie des locomotives de cette transition au sein de la French Tech.

Cette start-up industrielle née en 2020 développe un procédé novateur pour recycler des composites de fibre de carbone, un matériau très présent dans les industries aéronautiques, automobile ou éolienne. Des déchets à haute valeur ajoutée, mais difficiles à recycler. Le recyclage n'est que la partie immergée de l'iceberg. De l'autre côté, la jeune pousse vend ses matériaux recyclés, en particulier dans les secteurs de l'électronique et de l'équipement sportif. « D'ici à un ou deux ans, ces secteurs seront l'essentiel de notre croissance », souligne Benjamin Saada, le cofondateur, qui a levé 34 millions d'euros en 2022. Avec une quinzaine de clients (Décathlon notamment), elle vient de signer un partenariat avec le spécialiste des objets connectés Withings, pour équiper ses prochaines balances connectées.

C'est l'angle abordé par plusieurs start-up du recyclage, qui commercialisent de l'autre côté de nouveaux matériaux. « Cela nous garantit une autonomie en cas de pénurie de matières premières, avec des enjeux de souveraineté et industriels forts », remarque Erick Petit, le cofondateur de MagREEsource.Cette start-up, issue du CNRS, recycle et produit des aimants nécessaires pour les voitures électriques ou encore le fonctionnement des éoliennes, un secteur où l'écrasante majorité de la production est réalisée en Chine. Un procédé qui permettrait de réduire de 91 % l'empreinte carbone, assure l'entreprise, qui vient d'annoncer ouvrir prochainement son usine pilote, à Grenoble.

Accéder aux gisements

Mais pour fonctionner, ces start-up ont besoin d'accéder au gisement de matières premières. Fairmat va les chercher chez les industriels, et compte comme partenaire Dassault, Safran ou Hexcel. Dans certaines filières, comme les aimants, les entrepreneurs partent de loin. « On estime que moins de 1 % des aimants sont collectés. Il y a tout un travail à réaliser sur la formation auprès des centres de tri pour démanteler les aimants et avoir une meilleure qualité du tri », poursuit Erick Petit, qui cherche à créer une filière avec l'aide notamment de l'Ademe.La qualité du tri est en effet essentielle, que ce soit pour produire de meilleurs matériaux ou pour répondre à des vertus écologiques. Chez Néolithe, qui contractualise avec des acteurs du déchet publics ou privés, les déchets (industriels ou tout-venant) bénéficient d'un surtri. Ce qui a été mal recyclé est renvoyé vers les filières. Le reste, qui devait être enfoui ou incinéré, est transformé grâce à un processus de fossilisation en granulats pour le secteur de la construction. Cette technique permettrait d'émettre 151 kg équivalents CO2, contre 248 pour l'enfouissement et 343 pour l'incinération.Un procédé mécanique, à l'instar de Fairmat, qui permet de réduire l'empreinte carbone des matériaux et de l'usine. « Le marché est potentiellement énorme, avec 30 millions de tonnes de déchets que l'on pourrait capter. De l'autre côté, les attentes sont fortes dans la construction pour des matériaux bas carbone », souligne Quentin Laurens, directeur des affaires publiques de Néolithe. C'est dans ce contexte porteur que la start-up, dont le modèle est intense en capital, vient de lever 60 millions d'euros.

Coup de pouce réglementaire

Le secteur bénéficie d'un important coup de pouce réglementaire. La loi Agec, par exemple, vient contraindre l'enfouissement des déchets. La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) devrait prochainement majorer le prix de la tonne enfouie. Cependant, de fortes contraintes demeurent, notamment les avis techniques et certifications - souvent longs et coûteux à obtenir - pour que les matériaux issus des déchets puissent être utilisés dans des produits ou constructions.Côté aimant, le « critical raw materials act », signé par le Parlement fin décembre 2023, vient notamment imposer une production de 10 % sur le sol européen et de recycler 25 % de ces matières consommées sur le continent. Une belle dynamique qui ne retire pas les épines du pied des start-up industrielles, dont les temps de développement sont souvent plus longs que les horizons de sortie de leurs investisseurs. Sur le sujet, un récent fonds (500 millions d'euros ciblés) géré par Demeter vient de se lancer, pour financer les innovations dans les matériaux rares pour les batteries, dont le recyclage.