Il a semblé hésiter. Mais François Hollande a préféré ne pas faire depuis Bruxelles, où il participe aujourd'hui à un sommet informel européen, sa première intervention devant les Français après le choc des élections européennes. Ni donner le sentiment de vouloir profiter de l'affaire Bygmalion et des déchirements de la droite (lire page 4). Après une journée de flottement, le chef de l'Etat a finalement pris la parole dès hier soir, dans une déclaration de cinq minutes seulement diffusée à 20 heures. D'un ton grave, avec les traditionnels drapeaux français et européen, il a assuré « regarder en face » le résultat des urnes. Une vérité « douloureuse », a-t-il dit, parlant d'un « vote de défiance » à l'égard « de l'Europe, des partis de gouvernement, de la politique ». « Ce serait une faute, et je ne la commettrai pas, que de fermer les yeux devant cette réalité », a-t-il tranché, célébrant les « valeurs » de la France, « un grand pays qui ne peut concevoir son destin dans le repli, dans la fermeture, dans le rejet ». Sauf que François Hollande n'a finalement rien dit... de nouveau. Ceux qui attendaient un geste en auront été pour leurs frais. Pas question de remanier un gouvernement qui n'a que deux mois d'existence. Pas question de dissoudre l'Assemblée, tant il serait assuré d'une défaite. Pas question non plus de changer de cap en France, même si une partie de la majorité l'appelle à « ne pas persister dans une voie qui conduit dans le mur ». « La feuille de route, c'est l'emploi, le pouvoir d'achat, la justice sociale [...]. Cette ligne de conduite ne peut pas dévier en fonction des circonstances. Il faut de la constance, de la ténacité, du courage », a-t-il expliqué, promettant de présenter la semaine prochaine la réforme territoriale et assurant que « la réussite » sera « au bout du chemin ». « On ne va pas inventer de nouvelles priorités », glisse un de ses lieutenants. Le matin, sur RTL, Manuel Valls avait déjà défendu les réformes engagées : « Une feuille de route a été tracée ; je ne veux pas changer cette feuille de route. » « Il faut du temps et, moi, je demande ce temps », avait insisté le Premier ministre.Reste donc l'Europe. François Hollande a, selon ses propres termes, deux « devoirs » : « réformer la France et réorienter l'Europe ». Il a certes épinglé cette Europe « illisible, lointaine, incompréhensible », qui « inquiète plus qu'elle ne protège » et dont « l'austérité a fini par décourager les peuples », mais il n'a pas renversé la table. Et il s'est gardé d'attaquer de front la Commission, qui doit rendre lundi son verdict sur le programme budgétaire français. « La priorité, c'est la croissance, c'est l'emploi, c'est l'investissement », a répété François Hollande.Le problème, c'est que sa partition, à Bruxelles, est très compliquée. « Une impasse », tranche un ténor socialiste. C'est peu dire qu'il est très loin d'être en position de force pour obtenir aujourd'hui ce qu'il réclame en vain ou presque depuis 2012. « La France sort très affaiblie de cette séquence. Le paradoxe, c'est que les Français ont voté pour un changement de ligne en Europe, mais qu'ils ont rendu la France impuissante », regrette un député. Au sommet de l'Etat, on veut pourtant croire qu'après la poussée de l'euroscepticisme, l'Europe peut bouger. « Les Allemands n'ont aucun intérêt à avoir à côté d'eux une France affaiblie », juge un proche du chef de l'Etat. Un poids lourd de la majorité appelle cela « la stratégie du judo : faire d'une faiblesse une force » . « Nous sommes la France. Personne ne pourra ne pas tenir compte de ce qui s'est passé », poursuit ce responsable. Il est peu probable que l'intervention d'hier suffise à convaincre les électeurs qu'il a entendu leur message. Dès dimanche soir, François Hollande avait déjà fait savoir qu'il jugeait nécessaire de « tirer les leçons » du scrutin, qualifié d'« événement majeur ». « On ne minimise pas ! », avait-il donné pour consigne à ses troupes. Selon les chiffres définitifs publiés hier, le PS n'a pas même atteint la barre des 14 %. Troisième avec 13,98 % des suffrages exprimés, il a réalisé le score le plus faible de son histoire, loin derrière le FN (24,85%) et l'UMP (20,8 %).

Les résultats détaillés, la liste des 74 eurodéputés français sur lesechos.fr/