L'exposition, baptisée "Afrobeat Rebellion" et organisée par l'ambassade de France au Nigeria et la famille Kuti, reprend celle organisée en 2022 à la Philharmonie de Paris avec du contenu additionnel, et s'ouvre en même temps que la "Felabration", un festival d'une semaine qui célèbre chaque année en octobre la mémoire et l'héritage de Fela. 

"L'exposition à Paris était exceptionnelle, mais la voir ici, à la maison, est vraiment spécial", s'est réjoui Papa Omotayo, un architecte nigérian qui a contribué à faire venir l'exposition dans le pays natal de Fela, à l'occasion du vernissage de l'exposition dimanche soir.

"Encore plus d'objets ont pu être rassemblés ici par des collectionneurs", a-t-il souligné. 

Conçue comme "un voyage immersif multi-sensoriel" à travers la vie, la musique et les idées politiques de Fela, l'exposition reconstitue les espaces de la vie de Fela, de sa maison de "Kalakuta" à sa salle de concert du Afrika Shrine, en superposant objets d'archives, photographies, installations multimédias et bien sûr bande-son.

Le musicien multi-instrumentiste, interprète infatigable et inspiré, a inventé l'afrobeat dans les années 1970 qui mélange jazz, funk et rythmes africains. 

Le genre a ensuite évolué et a donné naissance à l'afrobeats (avec un "s"), moins politisé et adoptant les codes bling-bling du hip-hop américain, aujourd'hui porté par des superstars nigérianes qui remplissent les plus grandes salles du monde (Davido, Burna Boy, Tems, Rema...).

Si Fela a laissé une empreinte musicale indéniable, encore portée par ses musiciens de fils, Femi et Seun, et son petit-fils Made, il est également resté une figure politique contestataire de référence connue pour son militantisme panafricaniste et socialiste. 

Ses violentes critiques des régimes militaires au Nigeria lui ont valu plusieurs incarcérations, ainsi que le raid et l'incendie de sa maison en 1978 par des militaires qui ont défenestré sa mère, Funmilayo Ransome-Kuti, elle-même grande figure féministe et anticolonialiste du Nigeria.

- "Accomplir de grandes choses" -

"Beaucoup de gens parlent de Fela à l'étranger, il y est vénéré comme un géant, comme un saint, mais chez lui, même le gouvernement ne comprend pas l'essence de sa valeur", a expliqué à l'AFP Mabinuori Kayode Idowu, ami proche du musicien.

Après avoir passé toute sa vie en conflit avec les pouvoirs successifs de son pays, Fela accède désormais, 28 ans après sa mort, à une reconnaissance posthume de la part des autorités, l’État de Lagos ayant apporté son soutien à la tenue de l'exposition. 

"Il n'était pas unidimensionnel, il n'était parfait en aucun cas, et je pense que cette exposition interroge et explore vraiment en profondeur les différents aspects de son caractère", s'est félicité Papa Omotayo.

Ibrahim Olamilekan, réalisateur de 35 ans, s'est dit "très heureux" de voir cette exposition à Lagos, qu'il considère comme "une célébration de l'esprit de cet homme altruiste". 

"C'est comme voir l'histoire prendre vie", s'est enthousiasmée Chidimma Nwankwo, 32 ans, fondatrice d'une société qui promeut l'Afrique comme destination touristique et culturelle. "Je ne savais pas que Wole Soyinka (prix Nobel de littérature) faisait partie de la même famille que Fela!"

Pour Yeni Kuti, la fille aînée du musicien, qui continue de faire vivre l'Afrika Shrine et la mémoire de son père, l'exposition est une bonne occasion de toucher un public plus jeune, qui n'a pas grandi avec la musique de Fela, décédé du sida en 1997. 

Avec un message à leur transmettre: "Travaillez dur, soyez résilients et on se souviendra de vous après votre mort". 

Dans le pays le plus peuplé du continent, où plus de 60% des habitants vivent dans une situation d'extrême pauvreté, "nous avons encore beaucoup de travail à faire pour que le Nigeria devienne le Nigeria dont rêvait Fela", même si "le régime n'est plus militaire", estime Yeni Kuti. 

"J'espère que cela aidera les plus jeunes à ouvrir les yeux sur ce qu'était Fela, et peut-être cela les inspirera-t-il pour accomplir de grandes choses, comme Fela", a de son côté espéré Mabinuori Kayode Idowu.