C'est une évidence, les caractéristiques du leadership, tel que pratiqué ces dernières décennies, ont vécu. La dixième édition de l'étude « Route to the Top » du cabinet Heidrick & Struggles le réaffirme.

Sur la base d'une analyse de 1.221 profils de dirigeants de groupes cotés issus de 27 marchés du monde, elle esquisse les contours d'un style de leadership adapté non seulement à la complexité et l'imprévisibilité de l'actuel monde des affaires, politique et géopolitique, mais aussi aux attentes inédites de tous ceux - salariés, clients, actionnaires, pouvoirs publics et autres « parties prenantes » - qui interagissent avec l'entreprise.

Il en ressort que les conseils d'administration accordent désormais la plus grande importance à un élément clé : la personnalité des candidats aux fonctions de direction. Leurscaractéristiques humaines et émotionnelles, leurs traits de caractère et leurs aptitudes comportementales - les fameuses « soft skills » - sont jugés fondamentaux pour décrocher un poste de direction générale.

Le parcours et les compétences, qui bien entendu demeurent des prérequis pour gérer la société et améliorer sa performance financière, ne se posent plus en principaux facteurs de différenciation dans les processus de sélection.

Prime aux profils opérationnels

Les membres des conseils d'administration se montrent sensibles à la capacité d'écoute et de dialogue des candidats : seront-ils en mesure de diriger avec humilité et diplomatie ? Et de créer des synergies non seulement au sein des branches tant nationales qu'internationales de l'organisation, mais aussi au-delà, avec l'ensemble des parties prenantes ?

Quelle est leur force de conviction ? Sauront-ils faire adhérer le collectif de travail à leur vision et la mettre en oeuvre ? Si l'ambition personnelle est essentielle pour la progression des leaders, ces derniers doivent aussi convaincre qu'elle s'éclipsera toujours devant les intérêts à long terme de l'entreprise.

« Ce nouveau paradigme invite les entreprises à choisir leur dirigeant sur une multitude de critères. À ce titre, la mise en place de plans de succession est un atout essentiel pour éviter toute erreur de casting et disposer en continu d'un vivier de candidats qualifiés », estime Hervé Borensztejn, associé d'Heidrick & Struggles et responsable d'Heidrick Consulting en France.

Sans nul doute, les défis auxquels les leaders doivent faire face (la lutte contre le changement climatique, le risque cyber, les inégalités et discrimination) contribuent à faire évoluer les critères de choix.

Timide féminisation

Résultat, selon une tendance persistante en raison d'une gestion plus complexe et donc plus transversale des organisations, les profils opérationnels prennent le pas sur les parcours financiers encore considérés, il n'y a pas si longtemps, comme la voie royale d'accès aux plus hautes responsabilités.Ainsi, 20 % des directeurs généraux actuels occupaient-ils précédemment une fonction de direction de division et 12 % un poste de directeur des opérations (COO), contre seulement 8 % d'anciens directeurs financiers (CFO). De même, la mondialisation et les secousses géopolitiques tendent à favoriser les leaders dotés d'une expérience professionnelle à l'étranger ou d'un périmètre transfrontalier.

L'étude note aussi que, dans nombre de zones géographiques, la proportion de dirigeantes est passée de 7 % en 2022 à 8 % - comme en France - en 2023. Un petit point de plus, favorisé par la législation en faveur de la parité dans le monde économique, mais aussi par l'impact avéré de la féminisation des instances dirigeantes sur la performance et l'attractivité de l'organisation.

« Beaucoup de travail reste encore à accomplir, notamment dans certains secteurs d'activité, mais la dynamique en faveur de la féminisation est là et nous devons tous l'encourager », observe Sylvain Dhenin, associé d'Heidrick & Struggles et coresponsable des activités CEO & Board d'Heidrick & Struggles pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique.Il n'empêche qu'en France le CEO correspond encore à un portrait-robot précis, celui d'un homme dans 92 % des cas. D'origine française (82 %), il a poursuivi des études supérieures (23 % sont titulaires d'un MBA) et a été nommé à son poste à 49 ans (28 % avant 45 ans), à la suite d'une promotion interne dans les trois quarts des cas.Ce dirigeant avait auparavant occupé des fonctions de direction (78 %) - un poste de direction générale pour 43 %. Il a aussi pu siéger, dans les trois quarts des cas, au conseil d'administration de l'entreprise avant sa nomination.