Le 17 avril dernier, auditionné parl'Union des entreprises de proximité, Jordan Bardella tentait une opération de séduction, appelant les patrons des très petites entreprises (TPE) à « faire un bout de chemin ensemble ». C'est loin d'être gagné pour la tête de liste du RN aux élections européennes, si l'on en croit la dernière édition du baromètre des TPE réalisé par l'Ifop pour Fiducial que « Les Echos » présentent en exclusivité.

Cette enquête réalisée par téléphone entre le 26 mars et le 15 avril 2024 auprès de 686 dirigeants de TPE (moins de 20 salariés) réalisant au moins 50.000 euros de chiffre d'affaires contredit l'idée reçue selon laquelle les petits patrons seraient plus que d'autres séduits par le Rassemblement national. Le parti d'extrême droite ne recueille que 15 % de leurs intentions de vote, selon ce sondage, bien loin des quelque 30 %, voire plus, que les enquêtes lui attribuent tous électorats confondus ; bien loin aussi du score anticipé sur l'ensemble des patrons, sans distinction de taille d'entreprise, qui tournerait autour des 30 %.

Une vision qui a évolué

Chez les petits patrons, c'est la liste Renaissance menée par Valérie Hayer qui fait la course en tête. Elle recueille 20 % des intentions de vote, soit cinq points de plus que celle du parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella. Celle-ci n'a qu'une petite avance sur la liste PS, à 12 %, talonnée elle-même par les écologistes d'EELV qui font un score un peu plus élevé que sur l'ensemble de l'électorat, à 10 %. Ce positionnement sur le scrutin du 9 juin s'accompagne d'une évolution de la vision qu'ont les dirigeants de TPE de l'Europe. Ils « témoignent d'un rapport à [elle] de plus en plus dépassionné », souligne l'Ifop qui pointe une « difficulté de positionnement et une certaine distance vis-à-vis du sujet européen ».

Poids de la réglementation

En témoigne leur jugement de l'impact de l'UE sur leur activité. La balance entre avantages et inconvénients s'est inversée après le référendum sur le traité constitutionnel de 2005. La vision négative l'emporte. Les optimistes sont toujours moins nombreux que les optimistes dans le sondage Ifop-Fiducial, à 31 % contre 37 %. Près d'un tiers des petits patrons (32 %) juge que « dans [leur] quotidien de chef d'entreprise », l'Europe ne représente ni opportunités et avantages ni contraintes ou risques. C'est trois fois plus qu'en 2008. Les patrons de TPE restent toujours massivement persuadés de l'intérêt de la France à appartenir à l'Union européenne, même s'ils sont moins nombreux qu'il y a dix ans, à 66 % « pour » et 24 % « contre », contre respectivement 72 % et 15 % en 2013. Si les critiques sur le fonctionnement de l'UE continuent de dominer, c'est désormais seulement d'une courte tête. De 80 % en 2014, la proportion d'insatisfaits a baissé à 54 %.Un sujet reste encore et toujours dans le viseur : le poids de la réglementation et des normes européennes. Pour 58 % des patrons de TPE, l'UE « élabore trop de règles et de normes inadaptées ». 22 % jugent qu'elle « laisse un pouvoir d'appréciation suffisant aux Etats membres » et 20 % considèrent qu'elle sert de bouc émissaire « car c'est l'Etat français qui légifère et réglemente tout en accusant l'Europe ». C'est surtout lorsqu'on les interroge sur l'incidence de l'Union européenne sur leur vie personnelle que l'inquiétude sourd. En 2008, 60 % voyaient dans l'UE plutôt des avantages pour leur « avenir ou celui de [leurs] proches ». En 2024, ils ne sont plus que 49 % à penser ainsi. 39 % soulignent a contrario ses inconvénients et 11 % n'ont pas d'avis tranché. Ce mouvement de bascule s'observe aussi, un peu moins fortement, s'agissant de la « vie quotidienne en tant que citoyen », avec 48 % d'opinions positives contre 55 % en 2008.