Petit séisme dans le monde de l'entrepreneuriat. Depuis mai 2022, le statut d'entrepreneur individuel a été revu de fond en comble. Exit le statut d'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL), il est remplacé par un statut unique, celui d'entreprise individuelle, renforcé depuis la loi du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante dont l'une des dispositions phares est entrée en vigueur le 15 mai 2022.

La nouvelle entreprise individuelle (EI) prévoit une meilleure séparation du patrimoine personnel et du patrimoine professionnel.

Pas de rétroactivité

« C'est une évolution extrêmement conséquente et positive. Auparavant, en cas de faillite, sans disposition particulière, les créanciers pouvaient saisir les biens personnels de l'entrepreneur pour se rembourser. Tous les travailleurs indépendants sont désormais logés à la même enseigne », se réjouit Benoist Lombard, président de Maison Laplace et directeur général délégué de Crystal.Bémol, cette dissociation ne concerne pleinement que les entreprises individuelles créées depuis ce changement réglementaire. Pour les structures lancées antérieurement, la séparation des patrimoines ne s'applique qu'aux nouvelles créances nées après le 15 mai 2022. « L'objectif du texte est surtout de protéger le bien qui a le plus de valeur humainement et financièrement pour les ménages, à savoir la résidence principale », analyse Edouard Grimond, porteparole du Conseil supérieur du notariat.Dans le détail, le nouveau cadre réglementaire procède par élimination, en listant dans un décret du 28 avril 2022 tout ce qui est considéré comme du patrimoine professionnel : le fonds de commerce, artisanal, l'outillage, les marchandises, les locaux servant à l'activité professionnelle, les biens incorporels comme les brevets, ou encore les fonds de caisse. Par effet miroir, tout ce qui n'appartient pas à cette liste est considéré comme du patrimoine personnel réputé insaisissable en cas de difficultés de l'entreprise.Néanmoins, si le statut universel d'EI se veut plus protecteur pour les biens familiaux, en pratique, il est possible de déroger à la séparation des patrimoines. La loi prévoit en effet que l'entrepreneur puisse renoncer volontairement à cette couverture dans le but d'obtenir un financement bancaire.

Eventuelle caution du conjoint de l'entrepreneur

Voyant que les actifs professionnels sont faibles, les établissements bancaires peuvent en effet conditionner un crédit d'investissement ou une augmentation du découvert autorisé à la prise d'une sûreté réelle (comme l'hypothèque d'un bien immobilier) ou personnelle (comme la caution du conjoint de l'entrepreneur). Le conjoint pourra ainsi être mis à contribution pour rembourser une dette professionnelle.

Ce principe des sûretés bancaires échappe même au régime matrimonial. « Les époux peuvent s'être mariés sous le régime de la séparation des biens justement pour protéger le patrimoine du conjoint de l'entrepreneur. Mais cette cloison invisible tombe lorsqu'il se porte caution », avertit Edouard Grimond.

« La loi de 2022 reste favorable car précédemment l'entrepreneur individuel était automatiquement à risque tandis qu'aujourd'hui il est subsidiairement à risque et en connaissance de cause », met en avant Benoist Lombard.