Dans la région de Qousseir, située dans la province de Homs dans l'est de la Syrie, les nouvelles autorités ont lancé la semaine dernière une campagne pour lutter contre la contrebande à la frontière syro-libanaise, connue pour être poreuse.

Elles accusent le Hezbollah libanais, allié de l'ancien président Bachar al-Assad renversé le 8 décembre après avoir tenu d'une main de fer la Syrie pendant 24 ans, de parrainer des réseaux de trafic de drogue et d'armes.

"Nous commençons à ratisser les usines utilisées par le Hezbollah et l'ancien régime", explique à l'AFP le commandant Nadim Madkhaneh, depuis le village de Hawik, à quelques centaines de mètres de la frontière libanaise.

Cette région, frontalière à la Békaa, bastion du Hezbollah dans l'est du Liban, est jalonnée de nombreux passages clandestins utilisés depuis des décennies pour la contrebande, la Syrie ayant refusé de délimiter ses 330 kilomètres de frontières avec le Liban durant les années Assad.

En avril 2013, en pleine guerre civile déclenchée deux ans plus tôt par la violente répression de manifestations antigouvernementales, le Hezbollah avait officiellement affiché son soutien militaire à Bachar al-Assad, notamment à Qousseir, alors un des bastions de la rébellion.

Quelques semaines plus tard, après de violents combats ayant déplacé des milliers de Syriens, le Hezbollah et les forces d'Assad s'emparent de la région, et le mouvement libanais y a progressivement installé des quartiers généraux, centres, tunnels et entrepôts d'armes.

- "Démantèlement" -

"Sous l'ancien régime, cette région était l'artère économique du Hezbollah et des trafiquants de drogue et d'armes", raconte Nadim Madkhaneh, en charge de la sécurité à la frontière.

Dans le bâtiment perquisitionné, des journalistes de l'AFP ont pu voir des sacs contenant des pilules de captagon et du matériel utilisé, selon le responsable, pour la fabrication de cette amphétamine produite à une échelle industrielle sous Bachar al-Assad.

Des assiettes abandonnées dans la cuisine suggèrent que ses occupants ont quitté les lieux précipitamment.

D'après M. Madkhaneh, les forces syriennes ont récemment affronté des hommes armés "loyaux au Hezbollah et à l'ancien régime". Les véhicules calcinés et les bâtiments endommagés le long des routes de Hawik témoignent de la violence des combats.

Outre le "démantèlement" des usines de drogue, Nadim Madkhaneh affirme que ses forces s'attaquent également aux activités des trafiquants d'armes et de marchandises.

Les forces de sécurité syriennes coordonnent leurs actions avec l'armée libanaise, qui a annoncé la semaine dernière avoir renforcé son déploiement à la frontière nord-est.

En décembre, le chef du Hezbollah, Naïm Qassem, a reconnu que la chute d'Assad privait son mouvement de tout approvisionnement en matériel militaire via la Syrie.

- "Colonisé" -

Après le renversement d'Assad et le retrait du Hezbollah de ses bases en Syrie, les habitants de Qousseir ont commencé à y revenir.

"Je suis parti d'ici enfant, je ne connais pas grand-chose de Qousseir", confie à l'AFP Hassan Amer, 21 ans, en repeignant les murs de sa maison récemment rénovée, dans un quartier qui reprend lentement vie.

"On a été déplacés malgré nous (...) mais on est revenus dès le lendemain de la chute du régime", ajoute-t-il, après avoir passé près de la moitié de sa vie à Ersal, région libanaise frontalière.

Il ne cache pas son ressentiment envers le Hezbollah, qui "a colonisé Qousseir", transformant ses écoles et institutions publiques en quartiers généraux.

Mohammad Nasser, 22 ans, est lui revenu dès 2021 avec sa mère, après que le Hezbollah a appelé les habitants à rentrer chez eux sur la base d'une autorisation des dirigeants syriens de l'époque.

Son père est resté au Liban par crainte d'être arrêté.

"A côté de nous, il y avait des familles pro-Hezbollah installées dans les maisons les moins endommagées", assure le jeune homme.

Plusieurs habitants ont indiqué à l'AFP que plusieurs familles libanaises installées depuis 2013 avaient quitté la ville lorsqu'Assad a été renversé.

Le grand-père de Mohammad Nasser, 84 ans, en a été témoin.

"Les habitants de la ville ont commencé à revenir le soir même (...) au son du muezzin de la mosquée."