Qui détruit des emplois ? Qui en crée ? Et surtout où ? Basée sur les statistiques publiques et sur ses propres études, l'enquête « Créations et destructions d'emplois en France » des cabinets Kurt Salmon et France Industrie et Emploi (FIE), que dévoilent « Les Echos », dresse un panorama fouillé du marché du travail et de la dynamique économique des territoires.Premier enseignement de la 5e édition de ce baromètre annuel : en 2013, le nombre de projets de restructuration ayant détruit des emplois a diminué de 13 % par rapport à 2012, pour s'établir à 1.290. Le nombre de postes détruits a même chuté de 31 % pour s'établir à 68.458. La baisse de la moyenne de postes détruits par restructuration, qui retombe de 67 à 53, s'explique par « la très forte hausse des liquidations judiciaires de PME », notamment dans la construction. Pour autant, si les fermetures de sites ne représentent que 13 % des projets de restructuration, elles regroupent 55 % du total des emplois détruits.Ce total de 68.458 emplois détruits est toutefois minoré par rapport à la réalité économique du pays par le fait que les TPE (moins de 10 salariés), où l'emploi a lourdement chuté l'an passé, n'entrent pas dans le champ de l'étude. En sont aussi exclus les franchisés, le petit commerce et l'industrie du spectacle. Au final, l'étude a porté sur 145.000 des 205.000 entreprises de plus de 10 salariés. A également joué le ralentissement des pertes d'emplois dans le public avec l'arrivée au pouvoir des socialistes.

Le rôle des restructurations

Le tableau global n'est pas brillant, car les créations d'emplois recensées ont elles aussi chuté, de 18 % en 2013 par rapport à 2012. Elles s'élèvent à 53.600 et restent insuffisantes pour compenser les destructions. La quasi-stabilité des créations dans les services n'a pas compensé l'effondrement de celles dans l'industrie (-40 %), retombées à leur point bas de 2008-2009. « La France s'installe dans la crise », résume l'étude.Sans surprise, en volume, c'est l'Ile-de-France qui a détruit (mais aussi créé) le plus d'emplois. Mais le classement est plus pertinent en rapportant à la population active : ce sont alors le Nord-Pas-de-Calais, la Lorraine, Champagne-Ardenne, la Picardie et la Haute-Normandie qui ont le plus détruit d'emplois, confirmant la tendance des années précédentes. Ce n'est pas un hasard si ce sont aussi des régions très industrialisées. La région Centre a aussi connu une année noire, victime des restructurations dans la sous-traitance industrielle. Globalement, ces territoires « souffrent de ne pas parvenir à accélérer leur mutation économique », souligne Géraud de Montille, senior manager au cabinet FIE. L'année 2013 aura en outre été marquée par la poussée des restructurations frappant de concert plusieurs régions, conséquence des réductions de voilure de grands groupes tels Veolia, Generali et la SNCF. On note enfin que 29 % des suppressions d'emplois émanent d'entreprises étrangères, alors que cette proportion oscillait entre 16 % et 18 % ces trois dernières années.Le volet créations d'emplois de l'étude met lui aussi en lumière les différences territoriales. En volume, mais aussi peu ou prou en rapportant à la population active, les régions Ile-de-France, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire, Rhône-Alpes et Bretagne sont les plus dynamiques, profitant notamment des commandes dans l'aéronautique, des recrutements de professeurs ou de leur spécialisation dans les services. Globalement, les territoires qui ont su s'organiser autour de filières d'excellence résistent mieux. Le Nord - Pas-de-Calais compense ainsi en partie les emplois perdus dans l'industrie par des créations dans la logistique, notamment via l'implantation d'Amazon.Au final, seule l'Ile-de-France a créé plus d'emplois qu'elle n'en a supprimé (+ 15.400), avec Midi-Pyrénées (+ 836). Et les régions Paca, et Rhône-Alpes ont résisté, avec des soldes quasi nuls. Pour toutes les raisons évoquées précédemment, les régions du Nord et de l'Est (Lorraine - 2.400, Picardie - 2.700, Champagne-Ardenne - 2.200 notamment) ont payé un tribut plus lourd à la crise que celles du Sud et de l'Ouest, avec un bémol pour la Bretagne, trop durement frappée par les plans sociaux dans l'agroalimentaire pour que les autres créations d'emplois compensent les destructions.