Les pays émergents et en développement ont su tirer parti de la mondialisation et réagir à la grande crise relativement mieux que les pays développés. Un constat illustré à travers l'évolution de leur marché de l'emploi, tel que le relate, aujourd'hui, le dernier rapport annuel de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur le travail dans le monde.En 2013, le nombre de chômeurs dans le monde s'est accru de près de 5 millions de personnes pour atteindre 201,8 millions. En tout, la crise économique, déclenchée en 2007, aura « coûté » près de 32 millions d'emplois. Les pays développés ont payé un lourd tribut. Leur taux de chômage reste élevé, à 8,6 % de la population active, soit bien au-delà des 5,8 % enregistrés en 2007. Parallèlement, les performances affichées par les pays en développement apparaissent plutôt enviables. Le chômage, dans ces pays, n'a que peu progressé, passant de 5,5 % en 2007 à 5,9 % avant de refluer vers ses niveaux d'avant-crise. « La croissance économique rapide conjuguée à une amélioration de la productivité du travail ces vingt dernières années dans le monde en développement » a aussi permis de diminuer significativement la pauvreté des travailleurs », souligne l'OIT.En 1994, 39 % d'entre eux vivaient dans l'extrême pauvreté avec moins de 1,25 dollar par jour pour chaque membre d'une famille (voir graphique). Ce pourcentage est tombé à 13 % l'an passé. Toutefois, le nombre de travailleurs vivant en situation de pauvreté modérée (entre 1,25 et 2 dollars par jour) n'a pas varié bien que leur part dans l'emploi total ait régressé de 23,7 % à 17,1 %. En prenant la totalité de ces deux catégories, un peu plus de 30 % des travailleurs des pays en dévelop-pement restent pauvres, aujourd'hui, contre près de 63 % vingt ans plus tôt.

Actifs encore « vulnérables »

Parallèlement, s'est développée une catégorie de travailleurs dits de « classe moyenne ». L'OIT répertorie ces nouveaux actifs en deux catégories : celle où ces actifs ont un salaire compris entre 4 et 13 dollars et celle où le salaire est supérieur à 13 dollars. Plus de 4 actifs sur 10 font partie de ces deux catégories, soit plus du double par rapport à 1994. Mieux : d'ici à 2018, leur nombre devrait croître de près de 290 millions de personnes, projette l'OIT. Résultat, « pour la première fois de leur histoire, au cours des prochaines années, la plupart des nouveaux emplois du monde en développement seront de qualité suffisante pour permettre aux travailleurs et à leur famille de vivre au-dessus de l'équivalent du seuil de pauvreté des Etats-Unis [NDLR : 23.492 dollars de revenu annuel pour une famille de 4 personnes] ».Un bémol, néanmoins. L'OIT précise que près de 85 % des actifs, dans leur ensemble, seront encore sous ce seuil de pauvreté. Plus de la moitié des actifs des pays en développement (1,47 milliard de personnes) occupent encore un emploi indépendant ou un emploi familial non rémunéré. Ils sont donc « vulnérables » et ne bénéficient d'aucune couverture sociale ou de lois du travail strictes. Or l'OIT relève que « les pays qui ont le plus investi en faveur des emplois de qualité sont ceux qui ont le plus progressé ». Pour assurer un réel succès de la politique de l'emploi, l'OIT souligne l'importance, pour les pays émergents et en développement, de diversifier leur capacité de production plutôt que de se contenter de libéraliser les échanges, sans oublier de renforcer les institutions du marché du travail plutôt que de négliger les normes du travail.A ce titre, l'Organisation plaide pour l'instauration d'un salaire minimum. « Le développement n'est pas seulement une affaire d'aide au développement de la part des pays riches et de croissance tirée par les exportations. C'est aussi la création d'une croissance connectée par une chaîne de valeur », témoigne Raymond Torres, directeur du département de la recherche de l'OIT. « La crise financière a fait prendre conscience à ces pays qu'ils devaient compter sur leurs propres forces et ne plus dépendre des pays riches », ajoute-t-il. L'écart qui sépare les deux mondes s'est resserré. Mais le chemin est encore long pour que cet écart soit totalement comblé.