Trois mois et demi après avoir démarré, après une ultime séance lundi, suivi d'une autre mardi émaillée de dix heures d'interruption pour tenter de rapprocher les points de vue, la négociation des partenaires sociaux sur les parcours professionnels et l'emploi des seniors s'est achevée très tard dans la nuit sur un constat de désaccord quasi total.

Même si les délégations syndicales réservent leurs avis à leurs instances respectives qui se réuniront dans les jours à venir, leurs retours négatifs exprimés à l'issue du dernier tour de table ne laissent que peu de doute sur la très faible chance d'une signature. Pour le dialogue social interprofessionnel le coup est rude : la voie, désormais, est grande ouverte au gouvernement pour qu'il reprenne la main.

« Deux ans ferme »

Carrières, usure professionnelle, conditions de travail, reconversions, emploi des seniors, sans oublier le Compte épargne temps universel (Cetu), promesse du candidat Macron en 2022 : les thèmes de la négociation ont été listés il y a un an, une fois la réforme des retraites promulguée. Le chef de l'Etat avait alors appelé les partenaires sociaux à bâtir « un nouveau pacte de la vie au travail ».

Pour les syndicats, qui espéraient jouer le match retour des 64 ans, la potion est très amère. « Les salariés de ce pays ont tous pris deux ans ferme ! Il faut aménager les fins de carrières pour que ce soit supportable », espérait encore mardi en milieu de journée le chef de file pour FO, Michel Beaugas.Las. Version après version du projet d'accord, le patronat, « inflexible et qui ne voulait pas de cette négociation » n'a fait preuve d'aucune ouverture, ont-ils pointé. In fine, trop de lignes rouges maintenues - sur les conditions de rupture du contrat de travail en cas de reconversion par exemple - ou de revendications ignorées, comme le droit à la retraite progressive à 60 ans. Sans oublier une méthode de négociation tout aussi unanimement jugée « archaïque ».« Malgré quelques avancées sur la fin, le bilan est maigre, sans aucun droit nouveau pour les salariés et très clairement aucune ambition pour les fins de carrières. Le patronat n'a apporté aucune réponse aux énormes attentes du monde du travail », a réagi Yvan Ricordeau pour la CFTD, soulignant un « moment difficile pour le dialogue social ».« Moment raté ! Sans nouveau droit pour les salariés, je proposerai à mes instances de ne pas signer cet accord », a abondé Jean-François Foucard pour la CFE-CGC. Sandrine Mourey, pour la CGT, a pointé « une appréciation patronale du monde du travail d'un autre âge », tandis que la CFTC, par la voix d'Eric Courpotin, a regretté « trois mois de perdu et 48 heures de négociation pour rien ».

La bataille continue

Seul représentant patronal à s'exprimer, Hervé Mongon pour le Medef a au contraire salué le « travail extrêmement intensif » de ces derniers mois, et les « pistes innovantes » mises sur la table. « Tous les chapitres ont été abordés et nous avons essayé de répondre jusqu'au bout aux enjeux […] En cas d'échec de la négociation, il appartient au gouvernement de prendre ses responsabilités », a-t-il dit.

Dans cette perspective, syndicats et patronat entendent bien porter leurs revendications pour qu'elles alimentent le projet de loi Travail II promis par l'exécutif et attendu à l'automne. La bataille continue, ont-ils assuré. En attendant, et même s'il n'est pas encore acté officiellement par les partenaires sociaux, l'échec de leur négociation sur les parcours professionnels risque d'emporter avec lui la convention d'assurance-chômage qu'ils ont conclue en novembre. Du pain béni pour Gabriel Attal qui n'aura pas à attendre pour pousser la nouvelle réforme de l'indemnisation des demandeurs d'emploi qu'il appelle de ses voeux.