"Honnêtement, Elon Musk me terrifie", avoue Clara Dupont-Monod, qui publie cette semaine "La confrontation".
Dans ce court livre de 160 pages, la romancière met en scène un homme se présentant comme Elon Musk qui, au cours d'un séjour en France, "pète un plomb, prend une classe de maternelle en otage et engage une longue conversation avec le négociateur du GIGN".
Clara Dupont-Monod ménage le suspense: le forcené est-il vraiment Elon Musk? Qui va sortir vainqueur de la joute verbale? Les enfants vont-ils être relâchés?
L'autrice, qui a connu le succès avec son récit "S'adapter" en 2021, a voulu écrire "une fable", un genre littéraire qui permet de "manier l'outrance pour parler du réel".
"C'est aussi une façon pour moi d'humaniser Elon Musk", le patron de Tesla et de SpaceX, explique-t-elle à l'AFP. Elle le dépeint en homme "hypersensible" jetant un regard totalement désabusé sur les nouvelles technologies.
"Bientôt, nous nous tournerons vers l'IA, la langue pendante, le regard suppliant, parce que nous aurons oublié le code d'alarme de la maison ou notre date de naissance, parce que nous devrons tenir une conversation ou mettre en route un lave-vaisselle. Nous serons bientôt incapables de mémoriser, d'argumenter, de penser. L'espèce humaine a décidé et planifié sa propre lobotomie, alors que puis-je y faire?", fait dire la romancière à l'homme le plus riche du monde.
Clara Dupont-Monod, 52 ans, pense que sa génération est "la dernière à pouvoir allumer les 'warnings', les alarmes, sur les risques des nouvelles technologies". "Les enfants d'aujourd'hui, qui vont baigner dedans, ne pourront pas le faire", s'inquiète-t-elle.
"La fiction est un outil redoutable pour faire passer des idées et aider les romanciers à être, modestement, des lanceurs d'alerte", selon elle.
- "Cyberpunk" -
Dans son essai "Cyberpunk" (Seuil), la politologue Asma Mhalla met aussi en garde contre "le nouveau système totalitaire" que contribue à mettre en place Elon Musk.
Le titre "Cyberpunk" fait référence au genre de la science-fiction écrit par des auteurs américains de la deuxième moitié du XXe siècle, comme Bruce Sterling ou Philip K. Dick, dont l'un des romans a inspiré le célèbre film "Blade Runner" en 1982.
Dans l'imaginaire cyberpunk, "la cage de fer technologique est omniprésente, quadrillant un monde surpeuplé, sur-pollué, où errent des individus désabusés et isolés dans des mégapoles désenchantées sur lesquelles règne un pouvoir ultra-centralisé, monopolisé par des mégacorporations", résume Asma Mhalla.
Selon elle, "la dystopie cyberpunk est là", devenue réalité avec l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche grâce au soutien des patrons de la Silicon Valley, Elon Musk en tête.
"L'alliance entre une frange techno-réactionnaire et un milliardaire démagogue et autoritaire dessine l'ombre d'un (techno)fascisme possible du XXIe siècle. A moins qu'ils ne finissent par se manger entre eux", prédit-elle.
Dans ce contexte, Elon Musk ne se fixe aucune limite et veut repousser les frontières, notamment en colonisant Mars.
Mais, écrit Asma Mhalla, il "propose une conquête privée" de cette planète avec sa société SpaceX et ses lanceurs réutilisables Starship.
"Mars sera un monde fabriqué par et pour les riches, ses pairs et ses semblables. Sous un mode totalitaire, quelques élus seront sauvés, les autres seront sacrifiés sur une Terre laissée en déshérence", s'alarme-t-elle.
"Cyberpunk" est un succès depuis sa sortie, avec 10.000 exemplaires écoulés en deux semaines, un bon score pour un essai, selon son éditeur Seuil.