C'est un tour de passe-passe politique qui doit permettre au gouvernement de tenir ses promesses, malgré l'absence de projet de loi sur la souveraineté énergétique, repoussé sine die. Examinée ce jeudi à l'Assemblée nationale, la proposition de loi portée par le député PS de l'Eure, Philippe Brun visant à « nationaliser le groupe EDF » a été remaniée, en accord avec le gouvernement, afin d'y inscrire l'une des promesses faite par l'exécutif à la suite de la crise énergétique : l'extension des tarifs réglementés de vente (TRVE) de l'électricité à toutes les TPE et petites collectivités locales.

« Après des débuts rugueux avec les parlementaires, ce texte dangereux pour l'entreprise EDF a été remanié afin de mettre en oeuvre l'extension des tarifs réglementés de vente d'électricité », confirme-t-on à Bercy. Pour Philippe Brun, l'analyse est tout autre : « l'Assemblée nationale risquait d'adopter notre proposition ce jeudi et d'infliger une défaite au gouvernement. C'est un accord gagnant-gagnant », explique le député.Concrètement, si ce texte est adopté, ces tarifs réglementés- fixés chaque année par le gouvernement en accord avec la Commission de régulation de l'énergie - seront étendus aux 2 millions de TPE dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros et les effectifs limités à 10 salariés. Jusqu'alors, seule la moitié d'entre elles pouvait y prétendre. Les petites collectivités (moins de 2 millions d'euros de budget de fonctionnement et moins de 10 salariés) bénéficieront aussi de la mesure.

Annoncée après la crise de l'énergie, cette extension vise à augmenter la protection des petites entreprises qui, faute de bénéficier du TRVE, n'ont pas pu profiter du bouclier mis en place par l'Etat en 2022 et 2023 pour contenir l'envolée des prix de l'électricité. Les boulangers avaient ainsi vu leurs factures exploser.Pour le gouvernement, ce revirement a été rendu possible grâce à la forte baisse des prix de l'électricité. Désormais, l'extension de ce tarif réglementé ne coûte plus un euro à l'Etat car les prix de marché sont alignés avec le tarif réglementé.

Une cession au privé de RTE et Enedis impossible

Pour mémoire, lorsque cette extension du nombre de bénéficiaires du tarif réglementé avait été envisagée par la proposition Brun, en 2022, « elle représentait une charge de 18 milliards d'euros pour les finances publiques », rappelle-t-on à Bercy. Le risque de voir la mesure retoquée par le conseil constitutionnel était donc réel. Prévu initialement pour éviter « un démembrement d'EDF », ce texte prévoit tout de même d'inscrire dans la loi, l'impossibilité pour l'Etat de céder le capital des gestionnaires de réseau de transport et de distribution d'électricité, Enedis et RTE et ouvre aussi la possibilité de recouvrir à de l'actionnariat salarié chez EDF.