Les marchés ont paradoxalement bien accueilli le résultat des élections européennes, pourtant peu favorable. Ils y voient un avertissement plus qu'une menace directe pour les réformes et l'économie : un enjeu plus qu'un risque à court terme. Ils sont surtout obnubilés par la prochaine réunion de la Banque centrale européenne (BCE), qui éclipse tous les autres rendez-vous.Les Bourses ont terminé sur des gains compris entre 1,28 % à Francfort, qui signe un record, et 3,61 % à Milan, rassurée par la victoire du Parti démocrate de l'actuel chef du gouvernement, Matteo Renzi. A la traîne, l'indice CAC 40 n'a gagné que 0,75 %, à 4.526,93 points, mais termine tout de même à son plus haut de l'année. Les rendements des obligations d'Etat sont restés stables en France à 1,82 % sur la maturité à 10 ans et 1,41 % pour son homologue du Bund. En revanche, les taux des obligations italiennes, espagnoles ou portugaises ont connu des replis significatifs. Pourtant nommément visée par le mécontentement populaire, la monnaie unique a ignoré la poussée eurosceptique. L'euro avait légèrement reculé en début de journée pour terminer la séance en progression de 0,15 %, à 1,3650 dollar. La réouverture des marchés américains aujourd'hui donnera une indication de la lecture et interprétation des élections par la communauté financière anglo-saxonne, réputée plus eurosceptique.

L'euro devise apolitique

La devise des Dix-Sept est généralement peu sensible au résultat des élections européennes, comme en témoigne son comportement lors des deux précédents scrutins (juin 2004 et 2009). La monnaie unique baisse modestement juste avant les résultats compte tenu de l'incertitude politique, mais regagne assez vite le terrain perdu. Elle est d'ailleurs insensible aussi aux déclarations des hommes politiques européens, notamment celles, récurrentes, sur l'euro fort. En revanche, elle est toujours très attentive à celles de Mario Draghi, le président de la BCE qui a réitéré hier lors de son discours à Sintra les défis de la politique monétaire « lors d'une période prolongée d'inflation basse ». C'est l'ampleur de ses mesures de soutien, lors de sa réunion du 5 juin, qui va conditionner l'évolution de l'euro.Celui-ci pourrait baisser encore de 1 % à 2 % si la BCE opte pour un taux négatif des dépôts et abaisse son taux de refinancement, d'après les stratèges de la Deutsche Bank. Pour entraîner une baisse importante et durable de la monnaie unique, la BCE devrait mettre en oeuvre des décisions autrement plus ambitieuses comme un plan de rachats d'actifs financiers. Une augmentation de 100 milliards d'euros de la taille de son bilan, soit 1 % du PIB, ferait baisser de près de 1 % le taux de change effectif de l'euro. Les marchés ont déjà intégré un certain nombre d'initiatives de la part de la BCE et tout nouvel atermoiement serait très mal perçu.