Des faillites en augmentation de 35 % en 2023, un contexte économique et politique incertain, des problèmes d'attractivité des talents… De nombreux indices devraient pousser les entreprises à se questionner sur leur résilience face aux prochaines transformations, intelligence artificielle en tête. Dans ce contexte si volatil, l'habileté de la direction à piloter l'entreprise sera déterminante. Et ce constat pose une question essentielle : au-delà d'une somme des compétences individuelles, qu'est-ce qui rend un comité de direction performant, quel que soit le contexte ? Parmi les nombreuses façons de répondre à cette question, deux enjeux essentiels semblent parfois laissés de côté dans ces instances : le rapport au temps et la capacité à collaborer.

Pour piloter efficacement, encore faut-il avoir du temps pour les réflexions stratégiques. Or, selon unbaromètre BPI France, 70 % des dirigeants et dirigeantes de PME-ETI aimeraient y consacrer plus de temps. Du point de vue ducerveau, ce sentiment peut s'expliquer de deux manières. D'une part, la mémoire de travail - espace mental qui nous permet de traiter consciemment l'information - est limitée, même pour des dirigeants. A la croisée de multiples sources d'information, ceux-ci peuvent fréquemment se retrouver en situation de surcharge mentale, et dans l'incapacité de libérer desressources cognitives pour des tâches demandant plus de réflexion. D'autre part, le pouvoir provoque une augmentation du sentiment d'autosuffisance, créant la perception que les choses seront mieux faites par soi-même. Il est ainsi courant que ces derniers aient du mal à s'éloigner de l'opérationnel, et donc à libérer du temps pour des réflexions plus stratégiques.

Second enjeu : la possibilité de bien collaborer au sein des comités de direction. Elle permet de réduire le risque de mauvaises décisions et d'augmenter la potentialité d'innovation. Si le cerveau humain est un organe social, qui se nourrit des interactions, il dispose également de nombreuses limites ou biais, qui peuvent entraver l'aptitude à créer, innover ou décider ensemble.

Le premier levier pour contrer cela est notre« capital social », à savoir les liens sur lesquels on peut s'appuyer pour obtenir de l'aide ou de la validation. Plus ce capital est fort, plus il sera facile d'adopter le point de vue de ses pairs, de leur apporter du soutien, d'accepter leurs contradictions, etc. Pour le développer, il suffit de mieux se connaître, et donc de partager des moments informels. Malheureusement, entre frénésie du quotidien et culte de la performance, passer du temps ensemble sans parler de travail peut être négligé dans ces enceintes.

Le second levier pour contourner certains biais est de cultiver un climat de sécurité psychologique dans l'équipe. Pour que l'intelligence collective émerge, il est fondamental que les opinions divergentes s'expriment. Pour cela, les membres du collectif ne doivent pas se sentir jugés lorsqu'ils émettent des opinions, avis, idées. Une façon de favoriser cela est de poser un cadre dans lequel les opinions contraires sont non seulement reconnues, mais surtout valorisées pour ce qu'elles sont : un moyen de remettre en question les idées, de lever les incertitudes, et d'ouvrir la voie à de nouvelles solutions. Pour que les dirigeants d'entreprise puissent construire une stratégie efficace et adaptative, ils et elles doivent donc questionner leurs pratiques de gestion du temps et repenser les interactions au sein de leurs instances de décision. Il est ainsi nécessaire d'y optimiser les interactions formelles et informelles, de sorte à en faire un espace de confiance, d'entraide, et de libre circulation des opinions et avis. Sans cela, les urgences de chacun continueront à prendre le dessus sur l'innovation, limitant la capacité d'adaptation aux transitions actuelles et futures.