M. Vivès doit être jugé les 27 et 28 mai par le tribunal de Nanterre pour fixation et transmission en vue de la diffusion de telles images.

Les éditions Les Requins Marteaux et Glénat, qui ont publié les ouvrages incriminés, comparaîtront pour diffusion de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique, a précisé le parquet.

Cette décision fait suite à une enquête préliminaire pour diffusion d'images pédopornographiques, ouverte en janvier 2023 après une plainte de plusieurs associations de protection de l'enfance.

"Je suis un auteur de bandes dessinées, je ne suis pas là pour panser les plaies de la société, oeuvrer pour la morale, mais juste pour donner à réfléchir", a réagi Bastien Vivès dans un communiqué transmis à l'AFP.

"Parfois c'est réussi, parfois raté ou de mauvais goût mais je ne savais pas que cela pouvait mener en prison. Dessiner peut donc être un délit", a déploré l'auteur âgé de 41 ans. 

C'est "la suite logique du signalement de ces faits au parquet; la protection de l’enfance est un impératif sur lequel on ne peut et ne doit transiger", a réagi auprès de l'AFP Céline Astolfe, avocate de la Fondation pour l'enfance.

Sa plainte visait trois ouvrages du dessinateur: "Les Melons de la colère" (paru en 2011), "La Décharge Mentale" (2018) et "Petit Paul" (2018). Ces deux derniers albums feront l'objet des débats devant la 20e chambre correctionnelle.

"Ce dont il va s'agir lors de ce procès c'est de la question de la banalisation de la pédopornographie et, plus globalement, de l'inceste", a abondé Me Laure Boutron-Marmion, avocate de l'association Face à l'inceste, qui a également déposé plainte contre M. Vivès.

Innocence en danger, autre association plaignante, a fait le "choix de ne pas (s')exprimer à ce stade", selon son avocate Delphine Girard.

- "Hypocrisie" -

"Ce sera le procès de l'hypocrisie du parquet de Nanterre", a de son côté tancé Richard Malka, avocat de M. Vivès, interrogé par l'AFP. "Il va falloir expliquer comment ce que le parquet de Nanterre a jugé non délictuel et ne constituant aucune infraction en 2019 devient une infraction en 2024."

La BD "Petit Paul" avait fait déjà l'objet d'un signalement en 2018, classé cependant sans suite par le parquet de Nanterre. De même pour un autre signalement en 2020. 

Dans sa plainte, la Fondation pour l'enfance déplorait que les BD visées "livrent des représentations de mineurs, dans des situations sexuellement explicites, présentant indubitablement un caractère pornographique".

Plusieurs œuvres du dessinateur, présentées par ses lecteurs comme de simples contes graveleux ou des parodies à l'instar des "Melons de la colère", vague parodie des "Raisins de la colère" où une adolescente paysanne est violée par plusieurs hommes de son village, ont fait polémique.

En 2018, après la parution de "Petit Paul", qui met en scène un enfant au pénis démesuré ayant des relations sexuelles avec des femmes majeures, les éditions Glénat avaient affirmé que cet album n'avait "jamais" eu "pour vocation de dédramatiser, favoriser ou légitimer l'abus de mineur de quelque manière que ce soit".

"Nous ne pouvons que regretter cette initiative (...) du parquet de Nanterre alors que, de surcroit et par mesure d'apaisement et en accord avec l'auteur, nous avons cessé de commercialiser ce livre", a souligné Glénat jeudi dans un communiqué.

Le Festival international de la BD d'Angoulême avait déprogrammé une exposition Bastien Vivès prévue lors de son édition 2023, en raison de "menaces physiques" proférées contre lui.

Cinq personnes jugées pour menaces de mort ou violence sur l'auteur ont été condamnées en juin 2024 par le tribunal correctionnel de Paris à des peines de prison avec sursis.

Bastien Vivès a publié en octobre dernier "La Vérité sur l'affaire Vivès", une satire sur ses déboires judiciaires.