« Cette année, la crise ukrainienne va ajouter du piment… » Le « Davos russe », le grand rendez-vous annuel des dirigeants russes avec les milieux d'affaires internationaux dans l'ex-capitale impériale, commence aujourd'hui. « Mais, contrairement aux années passées, nous sommes dans le flou sur la liste des patrons européens et américains qui viendront vraiment ! », ironise, sourire en coin, ce Français, fidèle du forum économique de Saint-Pétersbourg. Présidée par Vladimir Poutine, c'est une rencontre clef pour un pays en manque d'investissements et, aujourd'hui, en panne de croissance.

« S'il y a une année où il faut être au forum, c'est bien celle-ci ! Beaucoup de patrons sont dans cette logique : venir plutôt que boycotter à cause de la crise ukrainienne », souffle un autre Français, bien au fait des investissements croisés entre les deux pays. « C'est très important dans un pays où, souvent, il faut en affaires un fort soutien politique. Le Kremlin se souviendra de qui a fait le déplacement… » Ainsi figurent sur la liste les patrons français habitués du forum : Jean-Pascal Tricoire (Schneider Electric), Franck Riboud (Danone), Henri Proglio (EDF), Jean-François Cirelli (GDF-Suez), Patrick Kron (Alstom), Yves-Thibault de Silguy (Vinci), Jean-François Decaux (JCDecaux). Autre grand nom présent : Christophe de Margerie (Total). « J'y suis quasiment toujours allé, je crois même avoir été un des premiers étrangers à participer à ce forum, a-t-il expliqué. L'entreprise, les rapports non politiques, c'est souvent aussi une bonne manière de calmer le jeu… »

Mais une partie du gotha des affaires semble avoir cédé aux pressions de certains gouvernements occidentaux, notamment américain, engagés dans une stratégie de sanctions pour forcer la Russie à modérer ses positions sur l'Ukraine. D'autant plus que le forum a lieu juste avant la présidentielle de dimanche en Ukraine. Il avait été avancé à mai pour ne pas court-circuiter le G8 initialement prévu en juin à Sotchi (désormais annulé à cause de la crise…).

Problèmes d'agenda

Ainsi, une trentaine de directeurs de sociétés étrangères se seraient désinscrits. Il s'agit en particulier des patrons de Siemens, Joe Kaeser, Deutsche Bank, Jürgen Fitschen, et E.ON, Johannes Teyssen. Des poids lourds de l'économie allemande, pourtant très présents en Russie. Officiellement, ils ont justifié leur absence par des problèmes d'agenda. Pour les entreprises américaines, les raisons sont clairement politiques, Washington étant d'autant plus en pointe dans les sanctions que, par rapport aux pays européens, les Etats-Unis sont peu impliqués dans l'économie russe. Ainsi 14 directeurs de sociétés américaines se sont désinscrits, dont ceux de Visa, de PepsiCo ou de Cisco Systems.