Basé à Vienne, le Centre international pour le développement des politiques migratoires (ICMPD), lié aux conservateurs, est inconnu du grand public.
Pourtant cet organisme a pris une nouvelle dimension avec le durcissement des règles de l'UE, qui a adopté en 2024 un pacte migration afin d'accélérer les retours d'étrangers en situation irrégulière.
Sous pression des Etats membres, la Commission est allée plus loin ces derniers mois. Dressant une liste de "pays sûrs", elle veut créer des centres pour migrants en dehors de ses frontières et propose d'éliminer l'obligation de "lien" avec leur pays de destination.
"Le train est en marche, c'est clair", estime dans un entretien à l'AFP Michael Spindelegger, le directeur de l'ICMPD, qui se dit "optimiste" et parle "d'avancées".
- "Mauvais signal" -
Mais il reste "des étapes à franchir" et la réussite dépendra de la capacité de l'UE à appliquer ces nouvelles mesures, prévient-il.
"Si quelqu'un n'obtient pas l'asile mais reste quand même, c'est un mauvais signal pour l'État de droit, ainsi que pour l'acceptation" des immigrés "par la population", insiste cet ancien vice-chancelier conservateur de 65 ans.
Car actuellement, moins de 20% des décisions d'expulsion sont suivies d'effet au sein du bloc, un chiffre régulièrement dénoncé par une extrême droite en pleine expansion à travers le continent.
C'est là que le centre intervient, fort d'un budget quintuplé depuis la crise migratoire de 2015, à plus de 100 millions d'euros, et d'un effectif de 500 personnes.
Fondé en 1993 par l'Autriche et la Suisse, il est financé à 70% par la Commission européenne et revendique désormais 21 pays membres, dont l'Allemagne, la Grèce et la Croatie, mais aussi des pays situés sur les routes migratoires extérieures, comme la Turquie ou la Bosnie.
De nouveaux États y adhèrent régulièrement, comme l'Irlande l'an dernier, et M. Spindelegger espère que la France et l'Espagne viendront grossir les rangs.
- "Promesses en l'air" -
Parmi les nombreux projets de l'ICMPD dans 90 pays, l'installation de "centres de retour", comme au Bangladesh et au Pakistan par exemple, qui doivent aider les déboutés de l'asile à se réinsérer économiquement, faute de quoi ils reprendront la route.
L'institut est cependant accusé par des ONG de mettre en oeuvre la politique migratoire de plus en plus restrictive de l'UE en la déléguant à des pays extérieurs au bloc.
Il lui a ainsi été reproché sa coopération avec les gardes-côtes tunisiens ou les autorités libyennes, soupçonnés de violer les droits fondamentaux.
L'ICMPD, qui déplore des "cas individuels" dont il ne saurait être "tenu pour responsable", vante au contraire les "succès" des formations des agents aux frontières mises en place en Tunisie, tout comme en Jordanie, avant une possible expansion en Algérie.
Certains de ces programmes insistent sur les droits humains, mais ce sont "des promesses en l'air", selon Lukas Gahleitner-Gertz, le porte-parole de l'ONG spécialisée Asylkoordination Austria. "La coopération progresse avec des régimes au bilan très douteux en la matière".
L'ICMPD est très étroitement lié au parti conservateur autrichien ÖVP, qui dirige le gouvernement et dont est également issu l'actuel commissaire européen à la migration Magnus Brunner.
C'est d'ailleurs une ancienne ministre du parti, Susanne Raab, qui va succéder début 2026 à Michael Spindelegger.