A moins de deux mois des européennes, la pression était trop forte. L'eurodéputé allemand Markus Pieper a annoncé lundi qu'il renonçait à un poste hautement rémunéré à la Commission européenne (18.430 euros brut mensuels), à la suite d'une polémique qui menaçait la campagne électorale de la présidente Ursula von der Leyen (« VDL »). Celle-ci cherche à obtenir un second mandat (2024-2029).

Fin janvier, cet élu de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) avait été choisi pour occuper, au sein de l'exécutif européen, le nouveau poste d'émissaire chargé des petites et moyennes entreprises. Il devait mettre en place une stratégie de simplification administrative, alors que les milieux patronaux se plaignent de la charge réglementaire induite par la législature finissante.

Son recrutement était toutefois contesté à plusieurs niveaux. D'abord par quatre commissaires, dont le Français Thierry Breton (Marché intérieur), qui ont pointé, dans une lettre à « VDL », la partialité de la procédure. Deux autres candidates avaient obtenu un meilleur score lors de l'évaluation. L'une d'elles a déposé un recours contre la nomination de Markus Pieper.

La semaine dernière, le Parlement européen a considérablement accru la pression en votant un amendement pour réclamer l'annulation de la nomination de Markus Pieper. Celui-ci a signé son contrat le 31 mars - un dimanche, ce qui a paru suspect. Il devait prendre ses fonctions mardi.

Boycott de Thierry Breton

Le choix d'un compatriote issu du même parti qu'Ursula von der Leyen nourrissait d'autant plus les accusations de favoritisme qu'il avait été acté quelques semaines avant le congrès de Bucarest du Parti populaire européen. Les conservateurs avaient alors apporté leur soutien à un second mandat de « VDL ». Mais une frange du parti avait manifesté son opposition à une cheffe de file qu'ils jugent trop centriste et trop « verte ». Markus Pieper, qui aurait travaillé sous les ordres de Thierry Breton, a préféré jeter l'éponge.

« Vu la manière dont Breton boycotte mon entrée en fonction dès le début au sein de la Commission, je ne vois actuellement aucune possibilité de répondre aux attentes légitimes liées à cette fonction », a-t-il déclaré au quotidien allemand « Handelsblatt ». Il a affirmé que le commissaire français était « exclusivement motivé par la politique partisane ». Ursula von der Leyen a pris acte de ce retrait. « La présidente respecte et à la fois regrette la décision de Markus Pieper », a déclaré lundi soir son porte-parole, Eric Mamer. « La présidente a décidé de suspendre la réouverture de la procédure de sélection pour le poste […] jusqu'à la période suivant les élections européennes », a-t-il précisé.

L'affaire n'est pas sans rappeler le retrait de l'Américaine Fiona Scott Morton, l'été dernier. L'économiste réputée avait été retenue comme cheffe économiste de la direction générale de la Concurrence de la Commission, un poste éminemment stratégique avec accès à des données sensibles sur les fusions et les pratiques commerciales des entreprises. Emmanuel Macron, notamment, avait jugé inepte de confier cette responsabilité à une personne de nationalité américaine. Ursula von der Leyen, dont les chances de reconduction apparaissaient élevées en début d'année, connaît un début de campagne contrarié. Les milieux européens se sont étonnés de la voir prendre comme directeur de campagne son chef de cabinet depuis cinq ans, Björn Seibert, un fidèle. Ce choix semble confirmer la difficulté de la présidente à élargir sa garde rapprochée.

Pour être reconduite, Ursula von der Leyen devra cette fois convaincre les chefs d'Etat et de gouvernement (à la majorité qualifiée) et les eurodéputés (majorité simple). Tous vont faire jouer un maximum de leviers d'ici la fin juin pour obtenir d'elle des engagements.