Ni délai supplémentaire ni sanction. La France devrait passer entre les gouttes aujourd'hui à Bruxelles, en dépit de ses difficultés à redresser ses finances publiques. Tout juste élu eurodéputé par les Finlandais, le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, présente cet après-midi ses recommandations annuelles sur les réformes budgétaires et structurelles que doit mener chaque pays de l'Union. Avant de quitter son poste à la fin du mois pour rejoindre le Parlement de Strasbourg, il aura la satisfaction de confirmer le retour de la croissance et le spectaculaire redressement des comptes publics en Europe. Alors qu'il y a deux ans, 17 Etats sur 28 affichaient des déficits supérieurs à 3 % de leur PIB, ils ne sont plus que 8 à ne pas respecter le pacte de stabilité. Le Royaume-Uni et la Croatie hors de la zone euro, Chypre, l'Espagne, l'Irlande, le Portugal, la Slovénie, et... la France dans la zone euro. Plusieurs pays vont sortir de la « procédure de déficit excessif », c'est-à-dire d'une surveillance rapprochée des autorités européennes.
Choc du vote extrémiste
La France, au contraire, qui avait obtenu en juin 2013 un délai de deux ans pour ramener son déficit sous la barre des 3 %, est l'objet de toutes les attentions. Elle confirme malheureusement son retard dans l'assainissement de ses comptes. La Commission devrait lui répéter que, sauf mesures supplémentaires, elle n'estime pas les efforts suffisants. Après un déficit de 4,3 % en 2013, la Commission européenne prévoyait début mai un déficit de 3,9 % cette année et d'encore 3,4 % en 2015. Soit un réel dérapage par rapport à la trajectoire préconisée en 2013 (3,6 % en 2014 et 2,8 % en 2015). Toutefois, le Premier ministre Manuel Valls a promis de rectifier l'écart avec 4 milliards d'économies supplémentaires dans le projet de loi de finances rectificative qui sera dévoilé le 11 juin prochain, tandis que le ministre des Finances, Michel Sapin, a réitéré l'engagement à parvenir à un déficit de 3 % en 2015.La parole de la France est-elle encore crédible ? Olli Rehn dira s'il le pense ou non. Quel que soit son verdict, la question des sanctions sera renvoyée à l'an prochain, car il est difficile de sanctionner un mauvais élève par anticipation. « On a encore un an pour faire nos preuves », rappelle-t-on à Bercy.Et le climat a changé. Avec le plan d'économies de 50 milliards d'euros, le pacte de stabilité, la fusion des régions en passe d'être dévoilée (lire page 4), le vent de la réforme tant attendu semble enfin souffler en France. Par ailleurs, la poussée du vote extrémiste aux élections européennes a ébranlé les tenants de la rigueur. « Un tel vote en France, pays fondateur de l'Europe, nous surprend, nous fait mal et peur », confie un ambassadeur en poste à Bruxelles.Mardi dernier lors du Conseil européen, François Hollande a appelé l'Europe à se réorienter, sans toutefois demander de délai supplémentaire pour la France. Insistant sur le fait que l'Hexagone devait se réformer dans son intérêt. Il a ainsi promis d'accélérer la réforme territoriale, « pas parce que la Commission nous le demande mais parce qu'il faut adapter au XXIe siècle des structures qui datent du XIXe ».
Du côté des partenaires, on semble prêt à ménager le « malade ». « Je ferai tout pour qu'il existe de la croissance et de l'emploi en France, sans quoi la zone euro ne se stabilisera pas », a promis mardi soir la chancelière Angela Merkel.