A peine arrivé à Bercy, Michel Sapin engage le bras de fer avec la Commission et les partenaires européens de la France. Le nouveau ministre des Finances a clairement suggéré, hier, que Paris allait demander un nouveau délai pour atteindre son objectif d'un déficit public à 3 % du PIB. Si ce « cap » n'est pas abandonné, « c'est le chemin, c'est le rythme lui-même qui sera discuté dans un intérêt commun », a-t-il indiqué sur France Inter. Le temps n'est pas encore venu de mettre des chiffres sur les mots (ils le seront dans le programme de stabilité mi-avril). Mais, après les propos de François Hollande, lundi soir, sur sa volonté de « ne surtout pas fragiliser la croissance », la France fait monter la pression. « La seule préoccupation qui vaille, c'est plus de croissance pour plus d'emploi en rééquilibrant progressivement nos finances publiques », a indiqué Michel Sapin

Déjà deux prolongations de délai

Pour convaincre ses partenaires, la France va mettre en avant son plan de 50 milliards d'économies dont le nouveau Premier ministre, Manuel Valls, devrait livrer de premiers détails mardi dans son discours de politique générale. Un plan visant à poursuivre l'assainissement budgétaire, mais aussi à financer le pacte de responsabilité et les baisses d'impôts promises. « Cela fait des années que l'on parle de crise, que l'on parle d'efforts, a lancé un peu plus tard à Bercy le ministre. Nous sommes à un moment où les efforts doivent être perçus par les Français avec des résultats concrets dans leur vie de tous les jours. » Pour obtenir un nouveau délai, Michel Sapin devra convaincre l'Allemagne. Il devrait se rendre d'ici à la fin de semaine prochaine à Berlin pour en discuter avec son homologue Wolfgang Schäuble. « La France connaît ses obligations, et elle sait qu'elle a déjà obtenu deux prolongations de délai », a déclaré celui-ci mercredi à Athènes, reprenant les mots du commissaire européen Olli Rehn.Mais si le ministre chrétiendémocrate sait parfois être bienveillant vis-à-vis des Français, son parti devrait être peu disposé à aider Paris. « Lorsque la France a reçu en 2013 le délai supplémentaire de deux ans en l'échange de réformes nécessaires, François Hollande s'est emporté et avait refusé toute ingérence de la Commission, rappelle aux « Echos » Norbert Barthle, chef des questions budgétaires pour la fraction CDU-CSU au Bundestag. La France voulait manger sa soupe seule, elle devra la finir seule. » Malgré son ton ferme, ce pilier du parti d'Angela Merkel ne ferme cependant pas la porte aux discussions. Mais il attend des engagements courageux et fermes. « Il en va de la confiance dans l'euro », dit-il.Michel Sapin pourrait trouver une oreille plus attentive du côté du Parti social-démocrate (SPD), qui participe au gouvernement de grande coalition à Berlin. « Je crois que le gouvernement français a de bonnes raisons de demander un délai supplémentaire, estime Ingrid Arndt-Brauer, présidente (SPD) de la commission des Finances du Bundestag. Nous ne serions pas plus avancés si le pays atteignait son objectif de 3 %, mais si son économie allait plus mal. L'essentiel est de maintenir l'objectif, mais on peut parler du rythme », souligne-t-elle. Le but du parti : assouplir la pression sur les finances publiques aussi bien vis-à-vis des partenaires européens qu'en Allemagne, où certaines villes manquent cruellement d'investissements.Le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, se montre moins compréhensif. Interrogé sur la France, il a répondu hier : « Si on mine les règles établies, on mine la confiance. Les Etats européens ne devraient pas se départir des efforts de consolidation. » Mais d'estimer aussi que cette consolidation devait être « favorable à la croissance », en s'appuyant notamment sur « des baisses d'impôts, moins de dépenses publiques courantes, et plus d'investissements si possible, enfin ne rien lâcher sur les réformes structurelles ». Paris a du pain sur la planche pour convaincre.