Français, encore un effort ! La Commission européenne a très clairement signifié hier qu'elle ne croyait pas au scénario d'un retour du déficit budgétaire sous la barre des 3 % de PIB l'an prochain, comme l'a pourtant claironné partout le gouvernement de Manuel Valls. Les comptes publics hexagonaux devraient afficher un déficit de 3,4 % l'année prochaine, selon les prévisions de Bruxelles. C'est mieux que les 3,9 % anticipés par les mêmes experts il y a encore deux mois, mais insuffisant pour remplir l'objectif que l'Europe avait assigné à la France il y a un an. Seul timide rayon de soleil, le taux de chômage pourrait enfin légèrement décroître l'an prochain, à 10,2 % contre 10,4 % attendu cette année.Le plan d'économies de 50 milliards d'euros qui a mis en émoi l'Assemblée nationale la semaine passée n'a pas totalement convaincu les experts bruxellois. « C'est un effort inédit, mais il n'en reste pas moins plusieurs interrogations qu'il faut encore lever », décrypte une source européenne. Ainsi sur les 21 milliards de coupes projetées en 2015, la Commission n'en a retenu que 17,5 milliards dans ses calculs. « Pour le reste, nous manquons de détails concrets sur plusieurs mesures, comme le remplacement de l'écotaxe. Nous voulons également être certains que la baisse des dotations aux collectivités se traduira bien par une baisse de leurs dépenses », poursuit un expert. Le geste récent fait par Manuel Valls sur les petites retraites incite également les équipes de la Commission à faire preuve de prudence d'autant qu'ils savent que ce dossier entraîne des turbulences au sein de la majorité.

Options ouvertes

A son arrivée à Bruxelles pour participer à sa première réunion avec ses homologues européens, le nouveau ministre des Finances, Michel Sapin, s'est défendu, en expliquant que les experts bruxellois n'avaient pas encore eu en main tous les documents, et qu'il allait détailler à ses pairs le pacte de responsabilité. « Tous ceux à qui je l'ai expliqué ont été impressionnés », a-t-il même fanfaronné, en soulignant que la France respecterait ses engagements. La totalité des documents doivent être envoyés à Bruxelles demain. Pour les experts de Bercy, si la Commission avait bien tenu compte de 21 milliards d'économies, le déficit se serait affiché à 3,2 % en 2015, et même à 3 % en reprenant la prévision de croissance française de 1,7 % (au lieu de la sienne ramenée à 1,5 %)et celle prévue par Paris pour le déficit 2014 (3,8 %, contre 3,9 % selon Bruxelles).Pour autant, Bruxelles n'a pas déterré la hache de guerre face à la France. Siim Kallas, le commissaire estonien en charge de ce dossier pour quelques semaines, a eu un message mesuré. « Nous ferons tout notre possible pour aider le gouvernement français dans ses réformes », tout en assurant que c'était « son rôle » de s'assurer que « les Etats membres respectent leurs engagements ». Une déclaration mi-chèvre, mi-chou qui laisse ouvertes les options avant le grand rendez-vous du 2 juin. C'est à cette date que Bruxelles doit se pencher sur d'éventuelles sanctions contre la France pour son déficit en dehors des clous, ou bien lui laisser encore un peu de temps pour convaincre.Ce deuxième scénario semble pour le moment tenir la corde à Bruxelles. « Sanctionner pour 2015 sur la base de prévisions faites en 2014, ça paraît difficile », explique un bon connaisseur du dossier.