Constatant fin 2023 la dégradation de la conjoncture économique, le Conseil d'administration de l'Association de garantie de salaires (AGS), l'association patronale qui prend en charge les salaires des entreprises défaillantes, avait décidé de porter le taux de cotisation employeur de 0,15 % à 0,20 % à compter du 1er janvier. Les défaillances n'ayant pas faibli, le taux va passer à 0,25 % au 1er juillet, au moment où l'association vient de conclure un cessez-le-feu avec ses partenaires principaux, les administrateurs et mandataires judiciaires.

Dans son dernier baromètre, l'AGS fait état d'une hausse de 19 % du nombre d'affaires ouvertes au premier trimestre, à plus de 7.000, par rapport à la même période de l'année dernière, au bénéfice de 83.000 salariés (+27 %). Les avances de fonds pour les payer ont augmenté en conséquence, à près de 500 millions (+20 %). Faute d'agrément par le gouvernement de la Convention Unédic conclue en novembre avec trois syndicats, le patronat n'a donc pas réussi à compenser la hausse du taux de cotisation AGS par une baisse de 0,5 point de pourcentage de sa cotisation chômage (qui reste à 4,05 %).

Nouveau départ

Pour l'AGS, 2024, année de ses cinquante ans, est à marquer d'un double sceau. Depuis le 1er janvier, ses équipes ont quitté l'Unédic où elles étaient logées au sein d'une délégation, la DUA (délégation Unédic AGS). Un nouveau directeur général est arrivé à cette date, en la personne d'Antonin Blanckaert, jusque-là directeur national de la retraite de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse (CNAV). Près de six mois plus tard, son principal fait d'armes, paradoxalement, a été de signer un traité de paix avec les administrateurs et mandataires judiciaires, un nouveau rebondissement d'une affaire rocambolesque.

Tout a démarré fin 2018 avec la nomination, poussée par le Medef, de Houria Aouimeur à la tête de la DUA. L'organisation patronale, alors dirigée par Geoffroy-Roux de Bézieux, soupçonnait les administrateurs et mandataires judiciaires de conserver une partie de la trésorerie des sociétés défaillantes, au détriment des créances superprivilégiées de l'AGS. Deux plaintes ont suivi, l'une contre l'ancienne équipe de l'AGS et l'autre contre X pointant du doigt une quarantaine de dossiers de redressement ou de liquidation.

Par la suite, les chiffres les plus délirants ont circulé. Houria Aouimeur est entrée en conflit avec l'Unédic au point d'être licenciée pour faute lourde sans faire reconnaître son statut de lanceur d'alerte malgré une campagne médiatique qui a souvent fait mouche. Des vérifications dans les comptes de la DUA par l'équipe qui l'a remplacée ont remis en cause les montants des détournements supposés.

« Pacte d'avenir »

De quoi donner raison à l'ex-président du Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (CNAJMJ) qui dans une interview au vitriol aux « Echos » avait déclaré au plus fort de la bataille : « L'AGS, plombée par des querelles internes, dysfonctionne de manière gravissime depuis quatre ans […] Alors on cherche un bouc émissaire, mais le bouc émissaire en a marre et il va se défendre. » Geoffroy Roux de Bézieux, lui-même, avait fini par lâcher Houria Haouimeur. Le juge d'instruction, Vincent Lemonier, serait sur le point de prononcer un non-lieu anticipent plusieurs parties prenantes au dossier.

Sans attendre, AGS et CNAJMJ ont décidé de tourner la page sous la forme d'un Pacte d'avenir au service des entreprises en difficulté . Conclu sous l'égide du ministère de la Justice, il entérine « la volonté réciproque des deux institutions de déjudiciariser leurs relations ». Dans un cadre qui se veut « constructif et apaisé », les deux parties engagent des travaux sur cinq axes de leurs relations « dans un contexte économique difficile ». Ces travaux pourront nourrir le cas échéant les réflexions des pouvoirs publics sur le fonctionnement des procédures collectives.