Un nouvel animal financier vient de naître. Un produit de fabrication française, baptisé « ESN », qui consiste en un titre adossé à des prêts au secteur privé de bonne qualité, dont certains prêts aux PME. Malgré les apparences, il ne s'agit pas d'« ABS » (asset backed securities), car les « ESN » restent au bilan des banques. Le projet, qui avait été dévoilé début 2013 par la Banque de France, dont le rôle est de « noter » les créances, a pu voir le jour grâce à cinq établissements : BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole, HSBC France et Société Générale. Ils se sont associés pour créer un véhicule (ESNI), qui a effectué sa première émission la semaine dernière, pour 2,65 milliards d'euros.

Refinancement des banques

La répartition entre les cinq banques - qui gèrent chacune leur compartiment - n'a pas été révélée, mais, selon plusieurs sources, BNP Paribas aurait été le principal contributeur avec près de 1 milliard d'euros. Les acheteurs de ces ESN ne sont autres que les émetteurs eux-mêmes. Chaque banque a souscrit ses propres titres, ce qui signifie qu'il n'existe pas encore de marché.Peu importe. La Fédération bancaire française (FBF) et Paris Europlace (chargé de la promotion de la place financière) voient surtout dans les ESN des outils pour le refinancement des banques. Ces titres qui agrègent des créances privées doivent servir de garantie (« collatéral ») aux établissements financiers pour obtenir des liquidités. Sauf que c'est déjà le cas des créances sous-jacentes, qui sont acceptées au guichet de la Banque de France. En outre, les contreparties et les chambres de compensation, qui interviennent sur le marché interbancaire, n'acceptent pas les ESN . Pour l'instant, elles ne reçoivent que des actifs notés par les agences de notation et ne reconnaissent pas la cotation Banque de France. Il y a donc un gros chantier à mener pour que ces titres puissent véritablement étoffer le pool de « collatéral » des banques. Les artisans du projet devront convaincre tous ces acteurs qu'une cotation Banque de France ou une reconnaissance des « ESN » par la Banque centrale européenne vaut notation. Simple coup d'épée dans l'eau ? Les promoteurs admettent que l'émission a surtout une valeur symbolique . Mais ils veulent croire qu'à terme les « ESN » seront standardisés dans toute la zone euro et inciteront les banques à faire crédit aux PME, car cela leur fournira du « collatéral ». Problème : la création de crédit suppose qu'il y ait une demande de la part des PME...