L'objectif était de nous réunir entre professionnels chargés de la même mission dans divers Etats pour évoquer nos sujets communs. Par exemple, pour les Européens, la question des aides d'Etat. C'est un point clef : lorsque de l'argent public est investi, il y a souvent, de la part de l'Union européenne, la présomption qu'il s'agit d'aides. Les Etats sont contraints de justifier que leur investissement est « avisé ». L'Etat investisseur est suspect. La Commission ne dit pas toujours non aux opérations - regardez le cas de PSA. Mais elle fonde ses analyses sur une référence implicite qui est celle d'un fonds d'investissement à horizon 4 ans. Ce qui n'est pas le seul modèle d'intervention privée qui existe. C'est un sujet sur lequel il serait « avisé » de rechercher une expression commune.Oui, on trouve toutes formes de gestion, de la plus administrative à la plus proche de celle d'un fonds d'investissement. Les philosophies diffèrent aussi. Dans le monde anglo-saxon, l'intervention de l'Etat n'est tolérée que dans des cas de sauvetage, comme l'industrie financière ou l'automobile. Les Etats-Unis n'imaginent pas, par exemple, que l'Etat soit actionnaire direct dans l'industrie du nucléaire. Le fait que cette dernière soit encadrée et régulée suffit. Comme l'ont rappelé les ministres Michel Sapin et Arnaud Montebourg hier, la France assume pour sa part se comporter comme un actionnaire, qui cherche à préserver son patrimoine à moyen et long terme, mais en se concentrant sur des entreprises qu'il juge stratégiques…Si, notre doctrine parle aussi, en creux, des cessions puisque nous définissons des seuils de détention cible en fonction des cas. Mais il ne peut y avoir de calendrier ou de contrainte pour les atteindre. En outre, certains seuils de détention sont fixés par la loi, comme dans les cas d'EDF ou d'ADP.La question n'est pas à l'ordre du jour.L'Etat peut être un actionnaire stratégique dynamique tout en mobilisant son portefeuille de participations pour se désendetter. Nos ressources sont suffisantes pour atteindre les deux objectifs. La valeur du portefeuille atteint aujourd'hui 110 milliards d'euros. Depuis deux ans, nous avons dégagé 3,3 milliards d'euros via des cessions ; une partie sera réinvestie, notamment dans PSA, une partie pourra être utilisée pour désendetter l'Etat. Cette année, la loi de Finances prévoit que nous devrons contribuer au désendettement à hauteur de 1,5 milliard d'euros, et réinvestir 3,5 milliards d'euros que nous aurons tirés de cessions.Nous avons clarifié nos missions et notre doctrine en début d'année. Une instance de débat sera bientôt créée et prendra la forme d'un comité stratégique de l'Etat actionnaire, composé pour partie de personnalités indépendantes. Enfin, nous allons mettre en place des mesures de simplification dans le cadre d'une ordonnance de simplification, en cours de finalisation. L'actionnariat public est régi par un empilement de textes dont certains remontent à… 1935, et qui s'articulent parfois mal avec le droit des sociétés auquel sont soumises les entreprises du portefeuille. Il n'est par exemple pas possible de dissocier la direction générale et la présidence dans une entreprise dont le capital est à majorité public. Ces contraintes fragilisent nos sociétés. Nous voulons aussi élargir le choix des administrateurs qui représentent l'Etat. Actuellement, il ne peut s'agir que de fonctionnaires en poste ou à la retraite. L'objectif est d'ouvrir le recrutement à des personnalités plus variées.Comme pour toute entreprise, nous nous poserons la question du renouvellement ou non du dirigeant. Puis nous lancerons éventuellement des processus de recrutement plus large. Mais in fine, pour une entreprise publique, c'est toujours le chef de l'Etat qui tranche.Ma situation personnelle est différente de celle de beaucoup de mes collègues directeurs d'administration centrale. Je viens de l'entreprise et ai vocation à y retourner. Je suis venu à l'APE pour une mission contractuelle de trois ans, mon contrat s'achève donc dans un an. Les entreprises du portefeuille de l'APE, y compris celle d'où je viens, me sont interdites. A cinquante-trois ans, il est encore un peu tôt pour renoncer à toute activité professionnelle, il faudra donc que je songe à une reconversion, même si cette mission est une expérience fantastique.

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