Fermée au public en 2012 en raison de son état de péril, après quatre décennies de fréquentation, elle a été restaurée de fond en comble depuis 2020. Un chantier de 13,5 millions d'euros (hors taxes), dont le financement par la municipalité et des collectivités locales, l'État et du mécénat a été amorcé par la Mission Patrimoine de Stéphane Bern.
Une trentaine de corps de métiers ont œuvré jusqu'à la dernière minute - le lieu a rouvert mardi, avant une inauguration officielle décalée à septembre - pour reconstituer l'état de la maison en 1923, à la mort de Pierre Loti.
Julien Viaud, de son vrai nom, est né dans cette demeure familiale en 1850. Personnage fantasque "aux mille visages", il fut officier de marine, écrivain, artiste, grand voyageur, académicien… Considéré comme une figure de proue de l'exotisme littéraire, il a signé 61 livres dont "Pêcheur d'Islande", "Mon frère Yves" ou "Ramuntcho".
Terrifié par la mort et la perte de souvenirs, il métamorphose l'habitation au fil de ses permissions, entre 1870 et le début du XXe siècle, recréant dans chaque pièce les ambiances fantasmées de ses nombreux périples.
- "Mon mal, j'enchante" -
Le salon bleu, dans un style bourgeois, contraste avec une salle Renaissance aux allures de château, où l'écrivain organisait des fêtes costumées. La salle chinoise et la pagode japonaise, deux pièces qui avaient disparu, font partie des nouveautés de la maison restaurée, librement inspirées de l'univers asiatique de l'époque.
La mosquée, pièce emblématique des lieux, impressionne avec son plafond en bois sculpté du XVIIIe siècle, rapporté de Syrie. Le style Empire de la chambre des abeilles, auparavant fermée au public, est désormais à découvrir.
Une demeure à l'image d'une personnalité aussi torturée qu'extravagante. "Mon mal, j'enchante", telle était la devise de cet homme qui avait "une peur absolue du néant et amassait beaucoup d'objets", explique Claude Stefani, conservateur des musées municipaux à Rochefort.
Depuis 1969, la Ville est propriétaire de la maison, devenue musée quatre ans plus tard et classée Monument historique en 1990.
"C'est un bijou!", s'exclame le maire, Hervé Blanché, qui table sur plus de 30.000 visites annuelles. Elles ont repris exclusivement sous la conduite d'un guide, pour une durée d'une heure et demie et par groupe de 10 personnes maximum, étroitesse des lieux oblige.
Le nouveau parcours a été structuré en "cohérence chronologique" avec la vie de l'écrivain voyageur, "avec un éclairage discret imitant la lueur des bougies (...) dans une ambiance plus proche de celle qu'a connue Loti, qui n'a jamais voulu installer l'électricité", souligne le conservateur.