« Dans un contexte de vive concurrence, nous avons décidé d'accélérer dans les investissements prix » expliquait déjà Alexandre Bompard en avril, lors de la présentation dus résultats trimestriels. Son plan 2026 vise aussi la réalisation de 40 % des ventes avec des marques de distributeur plus accessibles que les marques nationales. En juin, le dirigeant inaugurait, à Aulnay-sous-Bois cette fois (Seine-Saint-Denis), le premier Atacadao français, cash-and-carry d'inspiration brésilienne aux stocks sur étagères et aux prix planchers. « Nous avons décidé de lancer cette expérience lorsque l'hyperinflation a touché le marché de l'alimentaire » déclarait-il.
Protéger le secteur agricole et les producteurs
Provoquée par la guerre en Ukraine, l'inflation des prix de l'alimentation a explosé en deux ans et gonflé les tickets de caisse de plus de 20 %. Le signal était alors donné d'une relance de la guerre des prix dans les rayons. La parenthèse Egalim se refermait.Cette loi « pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire », entrée en vigueur en 2018, visait une meilleure rémunération des agriculteurs. Elle a mis fin en un an à une décennie de déflation pour les produits du quotidien. Chaque année, les négociations commerciales se terminaient jusqu'alors par une érosion des prix de 1 % à 2 %. Le monde agricole comme les industriels de l'alimentation avaient fini par tirer la langue et la sonnette d'alarme. Désormais, il n'était plus question de vendre au-dessous de son coût de production, ce qu'a verrouillé en 2021 Egalim 2, en rendant non négociable les tarifs de la matière première agricole.
En envahissant l'Ukraine, la Russie a fait exploser le dispositif qui devait mettre fin à la guerre des prix entre les distributeurs et qui, bon gré, mal gré, avait fait consensus. « Nous devons répondre à la première attente des clients, le prix » a résumé le 26 juillet Guillaume Darrasse, le nouveau président d'Auchan France lors de la présentation de résultats semestriels difficiles. Depuis le début 2024, l'inflation alimentaire recule. Dans les rayons des supermarchés, de légères baisses sont enregistrées chaque mois. Mais les tarifs restent sur un haut plateau et les professionnels disent tous que le retour au niveau d'avant n'arrivera jamais.Les volumes de vente s'érodent et la concurrence entre les enseignes se fait chaque jour de plus en plus âpre. A ce petit jeu, fidèle à son positionnement historique, Leclerc a gonflé sa part de marché jusqu'à 24 %. Carrefour a racheté Cora pour rester dans la course. Intermarché repris 300 magasins Casino pour rattraper Carrefour. Distancé, Auchan en a acquis une centaine, et s'est allié aux achats avec Intermarché pour négocier des conditions compétitives avec les fournisseurs.Tous les mouvements en cours dans la grande distribution sont motivés par la nécessité d'abaisser les prix. Le phénomène est quasi général dans le commerce, en dehors du secteur du luxe. Un vêtement sur deux se vend aujourd'hui en promotion ou en soldes. La montée en puissance de la seconde main répond autant au besoin des consommateurs de payer moins qu'à leur qu'à leur volonté de participer à un développement durable.
Dans l'alimentaire, la montée en gamme vers le bio (50 % plus cher en moyenne) et le local s'est arrêtée. Les distributeurs ont espéré se différencier par leur offre et de nouvelles gammes de produits. Tel un boomerang, le prix est redevenu leur priorité.