Au début du projet, "célébrer l'amour queer, les femmes astronautes, ne nous semblait pas particulièrement politique. Il y a seulement quelques années, un drapeau des fiertés a flotté dans l'espace, et la Nasa avait promis que la prochaine personne sur la Lune serait une femme", explique la réalisatrice de "SALLY", diffusé en France à partir de mardi sur Disney+ et le 22 juin à 21H00 sur la chaîne National Geographic.

Mais quelques mois après le retour au pouvoir de Donald Trump, "la Nasa a beaucoup changé", déplore Mme Constantini. L'allusion à la présence d'une femme dans le prochain équipage envoyé sur la Lune "a été retirée du site officiel", "on a demandé aux employés d'enlever les symboles de la fierté gay, les drapeaux arc-en-ciel, les drapeaux de visibilité trans"....

Le film "prend un tout autre sens que ce que nous avions imaginé", constate-t-elle. "Ces droits ne sont pas garantis, ils ont été durement acquis par des personnes comme Sally, comme (sa compagne) Tam. Et c'est notre responsabilité de porter le flambeau".

Le 18 juin 1983, en pénétrant dans la navette Challenger sur le pas de tir de Cap Canaveral en Floride, Sally Ride entre dans l'histoire en devenant la première Américaine à partir dans l'espace. Vingt ans tout juste après la pionnière soviétique Valentina Terechkova. Et au terme d'une compétition féroce.

Six ans plus tôt, l'agence spatiale américaine a décidé d'ouvrir pour la première fois le recrutement des futurs astronautes aux femmes.

Sally, titulaire d'un doctorat en astrophysique de l'Université de Stanford et tenniswoman accomplie, fait partie des six femmes sélectionnées sur plus de 8.000 candidates dans la "promotion 1978".

- Trousse de maquillage -

Si l'entraînement est le même que celui des aspirants masculins, le parcours du combattant est ailleurs: répondre aux journalistes qui veulent savoir si elle pleure dans les situations difficiles ou aux ingénieurs de la Nasa qui lui préparent du maquillage pour ses quelques jours dans l'espace et s'inquiètent de savoir si une centaine de tampons seront suffisants.

"J'avais l'impression que les femmes n'avaient pas mérité leur place autant que nous", témoigne dans le documentaire Mike Mullane, astronaute de la "promotion 1978" et vétéran du Vietnam.

A son retour sur Terre, le portrait de la jeune femme de 32 ans dans sa combinaison bleue, boucles châtains, yeux bleus perçants et sourire confiant, fait le tour du monde. Un statut d'icône dont Sally Ride a du mal à s'accommoder.

"C'était trop pour elle. C'était une introvertie, et cela lui pesait", raconte à l'AFP la biologiste Tam O'Shaughnessy, sa compagne pendant 27 ans.

Le monde ne découvrira qu'à la mort de l'astronaute, d'un cancer du pancréas en 2012, la nature de la relation entre les deux femmes, qui ont créé une société pour promouvoir la science auprès des filles.

"Sally n'aimait pas les étiquettes", mais "c'était une femme queer. C'est une bonne chose qu'elle soit devenue une figure de cette communauté après sa mort", estime Mme O'Shaughnessy. Qui s'inquiète de la volonté prêtée par la presse au ministre américain de la Défense Pete Hegseth de renommer un vaisseau militaire portant le nom de Harvey Milk, un célèbre militant gay.

"Il y a un navire de recherche qui porte le nom de Sally Ride. Et, j'ai pensé que ça aussi pourrait changer. C'est difficile à digérer, c'est choquant, mais c'est possible", se désole-t-elle.