Vendredi soir, dans un nouvel épisode de ce feuilleton, trois procureurs fédéraux basés à Washington, dont le numéro 2 du ministère de la Justice, Emil Bove, ont, enfin, formellement transmis au juge chargé du dossier à New York la demande de lever les poursuites contre le maire démocrate Eric Adams.
Le juge fédéral Dale Ho devra valider cette requête, qui provoque depuis plusieurs jours une crise politique et judiciaire et a abouti à la démission de sept procureurs ayant refusé de se plier aux ordres à New York et à Washington.
"Je veux être très clair avec les New Yorkais: je n'ai jamais offert - et personne ne l'a fait en mon nom - mon autorité de maire contre la fin de mon dossier judiciaire", a assuré vendredi le maire de la mégapole de plus de 8 millions d'habitants, contre qui les appels à la démission dans son camp ont redoublé.
Un peu plus tôt vendredi, son apparition, tout sourire, sur le plateau de la chaîne préférée des conservateurs Fox News, en compagnie du "tsar des frontières" Tom Homan, responsable du programme d'expulsions massives d'immigrés clandestins promis par Donald Trump, a de nouveau illustré son rapprochement avec la droite.
La veille, il s'est dit prêt à collaborer davantage avec l'administration Trump sur le sujet des expulsions de migrants, alors que les associations qui les défendent craignent des violations des droits humains.
- "Carotte et bâton" -
Lundi, le ministère de la Justice a donné ordre aux procureurs fédéraux de Manhattan de lever l'inculpation pour corruption qui pèse sur Eric Adams, dans une vaste affaire de financement illégal de campagne et de pots-de-vin impliquant la Turquie.
Mais cette intervention politique dans un dossier judiciaire s'est heurtée à la résistance du parquet de Manhattan, habitué aux dossiers sensibles. Refusant de s'exécuter devant le pouvoir, la procureure fédérale Danielle Sassoon a remis sa démission jeudi, suivie par l'un de ses adjoints et, d'après le New York Times, cinq autres responsables de l'unité chargée de la lutte contre la corruption au ministère de la Justice.
Pour Danielle Sassoon, réputée conservatrice, suivre cette injonction lui imposerait de "rejeter un acte d'accusation établi par un grand jury (de citoyens) pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la solidité du dossier".
"Dans aucun régime de liberté, on ne peut permettre au gouvernement d'utiliser la carotte de l'abandon de poursuites, ou le bâton de la menace d'un nouveau procès, pour inciter un élu à soutenir ses objectifs politiques", a renchéri son adjoint Hagan Scotten, un vétéran de l'armée américaine qui dirigeait l'enquête sur Eric Adams, dans un courriel de démission.
Emil Bove, ancien avocat de Donald Trump, avait clairement indiqué que "les poursuites en cours ont indûment restreint la capacité du maire Adams à consacrer toute son attention et ses ressources à la lutte contre l'immigration illégale et la criminalité".
- Watergate -
Ces refus sont "un affront et un acte de défiance extraordinaires et remarquables", souligne à l'AFP l'ancien procureur de New York et professeur de droit à l'Université Pace, Bennett Gershman .
L'épisode lui rappelle les démissions en cascade en 1973 de hauts magistrats, dont le ministre de la Justice de l'époque, pour refuser d'exécuter les ordres de l'ancien président Richard Nixon dans le scandale du Watergate.
Donald Trump a relativisé les démissions des magistrats, assurant qu'ils auraient "de toute façon tous été limogés".
Dès son inculpation, en septembre, Eric Adams a refusé de démissionner, arguant que ses ennuis judiciaires étaient dus à ses désaccords sur l'immigration avec le président démocrate de l'époque, Joe Biden.
New York, bastion démocrate et progressiste, a un statut de "ville sanctuaire" voté par ses élus, qui prévoit une limitation de la coopération avec les agents fédéraux chargés de lutter contre l'immigration clandestine.
Mais les capacités d'accueil de la ville ont été durement mises à l'épreuve depuis le printemps 2022 avec l'arrivée en deux ans de plus de 200.000 migrants, logés en urgence dans des hôtels réquisitionnés ou des centres d'hébergement.
Plusieurs élus démocrates, dont l'égérie de la gauche américaine et élue new-yorkaise Alexandria Ocasio-Cortez, ont demandé à la gouverneure de l'Etat de New York Kathy Hochul, de révoquer le maire en vertu de ses pouvoirs. Sa succession se jouera lors d'une primaire démocrate au printemps et lors de l'élection en novembre 2025.