Le Black Friday donnera-t-il enfin le signal d'une reprise de la consommation ou confirmera-t-il une fois de plus la prudence des ménages ? La baisse des dépenses de 0,4 % en volume constatée par l'Insee au mois d'octobre n'est pas de bon augure. Les achats de biens durables ont reculé tout comme les dépenses d'habillement, ce à quoi les économistes ne s'attendaient pas. Seule lueur dans ce tableau : les dépenses alimentaires ont, elles, rebondi (+1,2 %). L'inflation en France est, il est vrai, devenue faible : elle s'est élevée à 1,3 % en novembre sur un an, après 1,2 % en octobre, selon l'estimation provisoire de l'Insee. A 1,7 % sur un an, l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), l'indicateur de référence au niveau européenne, est même tombé sous la cible de 2 % visée par la Banque centrale européenne. Un seul poste affiche une poche de résistance : les services dont les tarifs augmentent de 2,5 % sur un an.
« Avec la baisse des prix de l'électricité, l'inflation pourrait passer sous les 1 % en février », prédit Stéphane Colliac, économiste senior France chez BNP Paribas. Cela sera-t-il suffisant pour que les ménages se remettent à dépenser ?Ces derniers mois, les Français ont regagné une partie du pouvoir d'achat perdu grâce à des progressions de salaires supérieures à celle des prix. Au troisième trimestre, le pouvoir d'achat mesuré par unité de consommation a augmenté de 0,7 %, selon l'Insee, plus rapidement que le PIB (+0,4 %). Atone depuis le début de l'année, la consommation des ménages a enregistré un léger mieux et a progressé de 0,6 % entre juillet et septembre sous l'effet notamment des dépenses de services liées aux Jeux Olympiques de Paris.
Craintes autour du chômage
Comme d'autres économistes, Charles-Henri Colombier, directeur de la conjoncture chez Rexecode, estime qu'« en 2025, ce sera un des moteurs qui alimentent l'activité ». Mais « la reprise sera probablement très amortie », précise-t-il. « La consommation pourrait continuer à décevoir », prévient d'ailleurs Charlotte de Montpellier, chez ING.La flambée des deux dernières années a laissé des traces, avec des prix qui restent élevés dans les rayons alimentaires notamment. « Les tarifs des consultations médicales, des complémentaires santé, des assurances habitation et automobile vont augmenter dans les mois à venir », observe Stéphane Colliac. « La persistance de l'inflation dans les services pourrait inciter les Français à maintenir un taux d'épargne élevé et brider la consommation », estime l'expert de BNP Paribas.Ce d'autant que la conjoncture s'assombrit de jour en jour. Le retour des fermetures d'usines et des plans sociaux (Auchan, Michelin, etc.) sur le territoire commence à relancer les craintes autour du chômage. Le moral des consommateurs décline. L'indice de confiance des Français a fortement reculé en novembre (-3 points), selon la mesure de l'Insee.
« Si la situation du marché de l'emploi se retourne, il y aura forcément moins de gens qui consomment », relève Charles-Henri Colombier. Cela va aussi peser sur le pouvoir de négociation des salariés à un moment où les hausses de salaires ont déjà commencé à ralentir. Certaines mesures du projet de budget 2025 vont également avoir un impact : des aides et subventions publiques aux ménages vont disparaître (bonus aux voitures).Dans ce contexte, la reprise de la consommation va rester suspendue au comportement d'épargne des Français. Au troisième trimestre, leur taux d'épargne s'est encore renforcé de 0,3 point pour atteindre 18,2 % de leur revenu disponible brut. Alors que jusqu'ici les conjoncturistes - et le gouvernement - espéraient les voir puiser dans leur bas de laine l'an prochain - les taux d'intérêt devenant moins attractifs, ce scénario devient moins certain. « L'incertitude fiscale et politique est de nature à prolonger l'attentisme des entreprises et des ménages », alerte dans une note Bruno Cavalier, chef économiste d'Oddo BHF.
L'inquiétude face aux incertitudes politiques nationales et aux tensions géopolitiques multiples pourrait les conduire à maintenir une épargne de précaution élevée. De quoi mettre à mal le cadrage macroéconomique du gouvernement. Bercy table sur une croissance de 1,1 % en 2025. Pour cela, il a fait le pari que la consommation rebondirait de 1,3 % dopée par une baisse du taux d'épargne de 0,6 point.Cet objectif a été jugé « un peu élevé » par le Haut Conseil des finances publiques. L'économiste d'ING Charlotte de Montpellier estime pour sa part que la progression du PIB l'an prochain sera limitée à 0,6 %. Les experts de l'OFCE misent sur 0,8 %. Un taux d'épargne qui resterait en 2025 au même niveau que cette année ramènerait la croissance à 0,5 %, ont-ils néanmoins prévenu.