Fin des années 1960, à Roubaix : André Bouriez, patron d'un petit groupe de distribution alimentaire implanté dans le nord et l'est de la France, accompagné de son fils Philippe, jeune polytechnicien, sont reçus à déjeuner dans la maison familiale des Gérard Mulliez, père et fils. A l'heure où les premiers ont décidé de se lancer à leur tour dans les hypermarchés, quand les seconds ont ouvert un premier Auchan en 1967, il s'agit de discuter d'une éventuelle affiliation.Au sortir du repas, après avoir salué leurs hôtes sur le perron, Philippe se tourne vers son père et lui dit en substance : « Pas question de s'associer avec des gens qui reçoivent avec une bouteille de vin entamée sur la table ! » Les Bouriez concluront finalement un contrat de franchise avec le pionnier des hypers Carrefour pour ouvrir sous cette enseigne une première grande surface en 1969, à Garge-lès-Gonesse, avant de reprendre une totale indépendance en 1974 et de développer leur propre enseigne, Cora.Indépendance, voilà bien le maître mot qu'aura défendu Philippe Bouriez tout au long de sa présidence du groupe familial. Au prix, d'abord, du rachat au fil de l'eau des parts de la branche belge de la famille pour aboutir en 1995 à une prise de contrôle majoritaire du Groupe Louis Delhaize, basé outre-Quiévrain. Au prix aussi de pas moins de 24 procès, entre 1996 et 2006, pour tuer dans l'oeuf les velléités de Carrefour puis de Casino, avec l'appui de la Deutsche Bank, de prendre le contrôle d'un distributeur qui, pour n'avoir qu'une modeste part de marché en France (moins de 3 %), dispose de positions solides dans ses fiefs régionaux.