Le sujet de la pénibilité tourne au casse-tête pour le gouvernement. Entre le patronat qui qualifie le compte pénibilité d' « impraticable en l'état » et les syndicats qui font de sa mise en oeuvre une priorité incontournable, la voie de passage sera compliquée, alors que le temps est compté pour l'exécutif : les décrets sont attendus pour la fin juin, en vue d'une entrée en vigueur le 1er janvier 2015. Ce sera un mois à peine après la remise par Michel de Virville de son rapport sur le sujet, prévue pour le 26 mai.Autant dire que cet ancien DRH de Renault aujourd'hui à la Cour des comptes, que le gouvernement a chargé de travailler sur la mise en pratique du compte, oeuvre en lien étroit avec le ministère et que ses préconisations seront directement opérationnelles. En particulier sur la question clef de la mesure et du décompte du temps passé par chaque salarié dans une position pénible (température extrême, exposition à des produits chimiques ou encore d'un travail en horaire décalé…). Premier point : pour diminuer les problèmes de paperasserie et éviter aux chefs d'entreprise d'avoir un nouveau document à remplir, l'exécutif réfléchit à utiliser des documents existant, comme le document d'évaluation des risques, dit « document unique ». Il est prévu d'introduire une souplesse sur le rythme de tenue du compte individuel. La loi évoque un décompte mensuel, mais le nombre de points devrait être calculé une seule fois pour l'année entière. Cette position est poussée en particulier par la CGPME.

Nombre de points prédéterminé par métier

Une autre évolution est attendue : celle d'une baisse du quota d'heures déclenchant la pénibilité, en tout cas pour le port de charges lourdes. Michel de Virville a annoncé aux syndicats qu'il ne serait pas de 80 heures par mois comme il le prévoyait au départ, mais de 60 heures. La comptabilisation des heures de nuit sera aussi assouplie. S'ajouterait à cela la construction de référents types pour certains métiers auxquels serait associé automatiquement un nombre d'heures d'exposition à telle ou telle forme de pénibilité, donc un nombre de points prédéterminé : le fait d'être plâtrier vaudrait tant d'heures transcrites en tant de points par exemple. « On va travailler par métier », a confié Michel de Virville à un syndicaliste.Le soin d'établir ces référents types reviendrait-il aux branches professionnelles ? Probable, mais, prévient un syndicaliste, l'ancien DRH de Renault a « un prisme très entreprise ». Cette option simplifierait la tenue des comptes pénibilité dans certaines professions. Mais avec le risque de voir resurgir des mécanismes automatiques ressemblant fort à des régimes spéciaux de retraite là où la loi sur les retraites prévoyait un dispositif centré sur les expositions constatées de la personne. La perspective ne peut que séduire la CGT.« On va pouvoir objectiver le système », estime-t-on aussi à Force ouvrière. Du côté de la CFDT, on est plus circonspect : « Attention à ne pas sortir l'individuel, cela détournerait totalement la loi de son objectif premier », y prévient-on.