A mesure que la déclaration de politique générale de Michel Barnier se rapprochait, tout ce que l'apprentissage compte d'intervenants y est allé de ses hypothèses sur les mesures d'économies qui allaient leur être imposées. Il leur faudra attendre pour le détail mais la potion s'annonce amère : l'exécutif veut économiser un total de 1 milliard sur l'apprentissage, selon nos informations. Au chapitre des professions de foi pour dépenser « mieux », le Premier ministre s'est contenté d'indiquer vouloir « par exemple continuer de soutenir l'apprentissage, mais en évitant les effets d'aubaine ». L'allusion renvoie à la prime à l'embauche d'un alternant, jusqu'à 6.000 euros depuis le 1er janvier 2023, quels que soient la taille de l'entreprise et le niveau de diplôme préparé.

« Exonération injustifiée »

Le principe de raboter cette aide de 1.500 euros semble quasi acté. Reste à savoir si elle sera toujours accordée de manière uniforme, ou si les entreprises de plus de 250 salariés et/ou les diplômes du supérieur en seront exemptés. Outre les économies dégagées, plusieurs centaines de millions d'euros dès 2025, l'arbitrage de Michel Barnier aura le mérite de mettre un terme aux divisions au sein du patronat sur le sujet.

Qui aurait imaginé en revanche que le Premier ministre pourrait toucher au porte-monnaie des apprentis ? Toujours à la recherche d'économies, l'exécutif planche, selon nos informations, sur deux mesures chocs : la suppression des exonérations de cotisations salariales et de CSG dont ils bénéficient.

Pour mémoire, la rémunération des apprentis obéit à un barème légal : de 27 % à 100 % du SMIC selon l'âge et l'année d'étude. Elle n'est soumise à cotisations sociales salariales légales et conventionnelles qu'au-delà de 79 % du SMIC, rappellent l'Inspection générale des finances (IGF) et son alter ego des affaires sociales (Igas) dans leur revue de dépenses remises au Parlement. Elle constitue, qui plus est, le seul revenu du travail totalement exonéré de CSG et de CRDS. « Le caractère universel de la protection sociale ainsi financée rend l'exonération particulièrement injustifiée », estiment les auteurs du rapport.

Le montant total des exonérations liées à l'apprentissage s'élèverait à 1,5 milliard en 2023. Même si l'Etat compense une partie des cotisations salariales dans le budget de la Sécurité sociale, contrairement à la CSG-CRDS, le manque à gagner pour les caisses publiques a grimpé avec l'essor exponentiel du nombre d'apprentis depuis la réforme Pénicaud de 2018. Ce d'autant que seuls 5 % de la masse salariale totale correspondante (12,9 milliards en 2023) excède le seuil de 0,79 %, toujours selon l'Igas et l'IGF.

Une gageure politiquement

Toucher à ces exonérations pourrait donc rapporter plusieurs centaines de millions d'euros dans les caisses de l'Etat. A condition, ce qui est une gageure politiquement, d'arriver à faire passer une mesure qui prive des centaines de milliers de jeunes, primo-accédants au marché du travail, de plusieurs dizaines d'euros chaque mois. Sauf à ce que le barème légal de la rémunération soit revu à la hausse. En clair, que ce soit l'employeur qui compense la perte sur le salaire net.

Passage de la prime à l'embauche de 6.000 à 4.500 euros, hausse du coût du travail, sans oublier la possible réforme des allègements de charges généraux sur les bas salaires dans la foulée du rapport Bozio Wasmer« Cela va faire beaucoup pour les employeurs, artisans notamment », fait remarquer un bon connaisseur du dossier. Contacté, Matignon n'a pas souhaité commenter, renvoyant les précisions au projet de budget qui sera présenté en Conseil des ministres le 10 octobre.