« Quand je fais des présentations aux Etats-Unis, je dois souvent rappeler qu'en France,'on peut répondre à ses e-mails après 18 heures. » La confidence est de Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, et elle montre bien la persistance des préjugés sur l'Hexagone, qui expliquent sans doute en partie la réticence des Américains à investir en France. C'est pour faire tomber ces barrières que la Banque publique d'investissement, l'association France Digitale et quelques entrepreneurs ont organisé, dans le cadre du festival de la French Tech, la visite en France de plusieurs investisseurs américains. Des représentants des fonds Menlo Ventures, True Ventures ou encore First Capital ont ainsi rencontré hier soir des start-up françaises, ainsi que le ministre de l'Economie, Arnaud Montebourg. Ce soir, ils seront reçus à l'Elysée et auront accès, lors du France Digitale Day organisé aujourd'hui, à l'ensemble de l'écosystème numérique français. « Nous avons besoin des fonds américains, non pas parce que nous manquons de financement en France, mais parce qu'il est aujourd'hui nécessaire, quand on veut être crédible sur le marché américain, d'avoir un partenaire américain », souligne Nicolas Dufourcq. La BPI a d'ailleurs investi aux côtés de fonds américains dans plusieurs entreprises, dont Talend (avec le fonds Silver Lake). « Il est nécessaire d'avoir un dialogue, de créer des liens avec eux, ajoute Jérôme Lecat, directeur général de Scality, qui a organisé l'événement. La présence d'un fonds américain représente une valeur marketing énorme. On voit de plus en plus d'entreprises qui installent leur R&D et leur siège en France pour pouvoir bénéficier de la qualité des ingénieurs français et des aides, comme le CIR, et qui disposent de leurs forces de vente aux Etats-Unis. » L'idée est donc de favoriser ce schéma, inspiré notamment de celui de Criteo. La BPI elle-même songerait à ouvrir des bureaux aux Etats-Unis.

Concurrence acharnée

La France compte ainsi mettre en avant ses atouts : le nombre d'ingénieurs (1 million, soit à peu près autant qu'en Allemagne), la diversité des aides à la disposition des jeunes entreprises, le rapport qualité-prix de la main-d'oeuvre... Il faudra néanmoins se montrer pédagogue face à certaines réticences : le rôle même d'une banque publique, la fiscalité, l'intervention de l'Etat dans certains dossiers... « Il y a un énorme travail à faire sur l'image de la France et cette image ne changera pas sans une politique volontariste, d'autant que d'autres pays ne se privent pas pour être actifs », affirme Nicolas Dufourcq. La Suède, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou encore Israël disposent ainsi, depuis longtemps, d'une présence active dans la Silicon Valley. Et c'est naturellement vers ces pays que se tournent en priorité les investisseurs américains. Coïncidence ou non : aujourd'hui même, le Royaume-Uni organise le même type d'événement et David Cameron recevra, lui aussi, les investisseurs, pour leur vanter les mérites de son pays...