Changement de ton à Bruxelles. Après avoir passé tout son mandat à légiférer pour alourdir les contraintes réglementaires pesant sur les acteurs financiers, voilà que Michel Barnier, à quelques semaines des élections européennes, propose d'alléger les règles. Et ce, pour une technique qui est controversée. La titrisation - souvent mise au banc des accusés de la crise actuelle compte tenu de son importance dans l'effondrement des « subprimes » - devrait ainsi connaître une deuxième jeunesse en Europe, après les plans dévoilés jeudi par le commissaire français en charge des services financiers.Ce dernier assume complètement cette inflexion. « Nous avons pratiquement terminé l'agenda de régulation réparatrice, parfois répressif, nécessaire après la crise. Ce qui m'intéresse maintenant, c'est un agenda plus proactif vers la croissance », a expliqué Michel Barnier. C'est la raison de la communication dévoilée jeudi par la Commission, qui liste les actions à entreprendre dans l'avenir pour faire redémarrer le financement de l'économie. Le moteur est grippé, notamment parce que les banques - qui représentent les deux tiers du financement en Europe contre le tiers aux Etats-Unis - ont ralenti leur activité du fait notamment des nouvelles règles prudentielles qui exigent d'elles plus de capital en face des prêts. « Seulement 33 % des entreprises grecques ont obtenu la totalité de leurs demandes de prêts en 2013, et ce chiffre est de 50 % pour l'Italie ou l'Espagne », a noté Michel Barnier.

Pas de nouveau « subprime »

Bruxelles veut donc explorer des voies nouvelles pour attirer les investisseurs mondiaux vers les projets géants d'infrastructures en Europe et vers les PME. Outre un cadre européen pour le « crowdfunding » - le financement participatif - et des opportunités d'investissement élargies pour les fonds de pension, la fameuse titrisation est donc mise en avant. Ce n'est pas une surprise puisque le Livre vert publié par la Commission l'an dernier le préconisait déjà. « Depuis, la BCE a plusieurs fois demandé de revivifier ce marché de la titrisation en Europe », souligne un officiel européen.C'est donc à quoi va s'atteler Bruxelles, en faisant toutefois la distinction entre la bonne et la mauvaise titrisation (en fonction des actifs sous-jacents, de la transparence notamment). Il devrait en être tenu compte dans les semaines à venir, quand l'exécutif européen édictera des actes délégués - la législation secondaire, équivalent des décrets en France - sur les nouvelles règles prudentielles pour les assurances (Solvency II) et les banques (CRD IV), afin que ces acteurs soient incités à y recourir. « Je n'ai pas de position idéologique. Je pense qu'une bonne titrisation peut être utile pour les PME. Mais il n'y aura pas d'échappatoire, on ne pourra pas recommencer l'histoire des "subprimes" », a assuré Michel Barnier.