Le film est adapté du roman éponyme de Nicolas Mathieu, prix Goncourt en 2018 qui a connu un grand succès.
Comme dans le roman, c'est à Hayange, ville qui a subi de plein fouet la désindustrialisation, que se déroule l'histoire de "Leurs enfants après eux", fresque mélancolique sur l'adolescence, la reproduction sociale et les inégalités.
Les décors varient des petites départementales de campagne entourées de verdure aux quartiers ouvriers qui ont fleuri au début du XXe siècle dans ces villes de Lorraine, en passant par les hauts fourneaux, définitivement fermés par Arcelor Mittal et l'Etat français en 2013.
Seul élément qui a étonné les spectateurs venus en nombre découvrir l'avant-première du film, projeté vendredi à Thionville, à guichets fermés : "On aurait vraiment aimé avoir un lac à Hayange, un beau lac comme celui du film", riait à la sortie Aleyna, habitante de Nilvange, petite commune voisine d'Hayange, qui n'a pas souhaité donner son patronyme et avait 17 ans en 1998.
Un bar de cette commune, fermé depuis des décennies mais qui ouvre tout de même un jour par an "pour garder sa licence", a servi de décor au film, notamment pour y revivre la demi-finale de la Coupe du monde de football 1998.
Pour Aleyna, "le livre" de Nicolas Mathieu était "plus dur que le film".
- "France des invisibles" -
Dans le roman, "il y a à la fois un discours social très fort et très pointu, et en même temps, il y a une générosité dans la narration. Et ce qu'on trouve très beau, c'est qu'il raconte la vie de ce qu'on appelle, je trouve à tort, la France des invisibles", qui est en fait "la France de la majorité, la France de tout le monde", expliquent les réalisateurs, Zoran et Ludovic Boukherma, deux jumeaux de 32 ans.
"Je crois qu'on s'est beaucoup retrouvés simplement dans le personnage d'Anthony, dans l'adolescence, dans ces étés interminables, l'ennui, les premiers amours", confie Ludovic Boukherma, rappelant que les deux frères ont grandi dans "une zone rurale" du sud-ouest de la France. "On a voulu faire un film populaire, dans le grand sens du terme."
A la sortie, de nombreux groupes de personnes commentent le film. "Oui, je m'en souviens", "c'était comme ça!" s'exclament-ils, sourires aux lèvres.
Denis, habitant d'Hayange, se souvient aussi de sa jeunesse dans les années 90. Avant le film, il avait lu le livre, qu'il avait jugé "un peu caricatural. Là, ça l'est encore... Mais bon, c'était comme ça, dans le fond, c'est vrai", dit-il en haussant les épaules.
Jean-Maurice Tschemodanov, gardien d'un cimetière dans la vraie vie, a un rôle de figurant... et est même mort dans le film. A la sortie, il se dit "très content" du résultat. Pour lui, avoir des acteurs "comme Gilles Lellouche" en Moselle est magnifique.
- "Plaire" aux habitants -
"C'est important, quand on revient dans la ville dans laquelle on a tourné le film, que ça plaise" aux habitants, souligne Hugo Sélignac, l'un des producteurs. Pari réussi, selon les personnes rencontrées par l'AFP à la fin de la séance.
L'histoire suit pendant plusieurs années la destinée d'adolescents qui ont grandi à Hayange mais aussi de leurs parents, avec notamment une figure paternelle dévorée par l'alcool.
Les adolescents, eux, rêvent d'ailleurs mais se retrouvent souvent contraints de reproduire le schéma de leurs parents.
Paul Kircher a reçu, à 22 ans, le Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir en septembre à la Mostra de Venise. Il tient dans "Leurs enfants après eux" le rôle d'Anthony, l'un des deux personnages principaux, adolescent fils d'ouvriers, qui s'ennuie sec durant l'été en Moselle, et rêve d'amour avec la fille d'un notable.
Le film, qui dure 2H16, était à l'origine conçu comme une série, et en garde une construction en chapitres, comme autant d'étés - et de pertes d'illusions, tandis que la bande-son replonge aussi le spectateur dans la France des années 90.
"Leurs enfants après eux" sort le 4 décembre au cinéma en France.