Cafés, boulangeries, bureaux de tabac ou épiceries : le rythme des ventes et cessions de fonds de commerce a légèrement ralenti l'an dernier en France. Après le niveau exceptionnel de 31.700 opérations enregistrées en 2022, encore lié au report des transactions d'après-Covid, celles-ci sont repassées en 2023 sous le seuil des 31.000 transactions (-2,5 %, à 30.920), selon les chiffres publiés ce jeudi par Altares. « Le marché a perdu de sa dynamique mais il se maintient au-dessus de sa moyenne sur cinq ans », résume le directeur des études du cabinet de conseil spécialiste de la data, Thierry Millon.

« Nous notons un retour à un marché plus cohérent après une période d'euphorie », témoigne, sur le terrain, Mélanie Aloui-Allamand, directrice opérationnelle du groupe Michel Simond, réseau spécialisé en transmissions de commerces et d'entreprises. Ce marché moins actif traduit-il un atterrissage en douceur ou annonce-t-il une situation plus inquiétante ? « Les premiers mois de 2024 témoignent d'une remontée intéressante », signale Thierry Millon. Plus de 8.000 fonds de commerce ont changé de mains au premier trimestre de cette année (+2 % par rapport au premier trimestre 2023), mais la tendance reste évidemment à confirmer.

Le contexte politique n'est pas de nature à rassurer l'investissement. Reprendre une boulangerie, un salon de coiffure ou un restaurant est aujourd'hui une aventure plus lourde à financer que de se lancer dans une activité de services avec un statut d'autoentrepreneur, note Thierry Millon. Pour le consultant, la hausse des prix de cession a d'ailleurs contribué au ralentissement des échanges.

Les acquéreurs potentiels de fonds de commerce ont d'abord vu le prix d'achat moyen franchir la barre des 200.000 euros en 2021, contre plus de 185.000 euros avant la crise sanitaire. Et le mouvement s'est poursuivi. En 2023, le prix moyen a atteint le montant record de 244.307 euros, soit une hausse de plus de 13 % sur un an. Cumulées, les transactions ont atteint 10,6 milliards d'euros en 2023. Et si près du tiers de ce montant provient d'opérations « atypiques », notamment supérieures à 10 millions, un tel niveau « est révélateur du poids du financement nécessaire pour faire aboutir les projets », commente le consultant.

Sans surprise, l'Ile-de-France, la région la plus active en matière de transactions, affiche le prix moyen le plus élevé (328.200 euros, en hausse de 16,4 %) devant la Corse (261.000 euros, + 30 %) et la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui a enregistré la plus forte hausse des prix : +30,7 % à 250.700 euros.

La restauration en tête

Supérieur au taux d'inflation, le renchérissement des prix s'explique par « la vente de produits plus onéreux ». Après l'emballement de 2022, « on pouvait craindre que les échanges ne se fassent plus que sur des entreprises qui n'avaient pas trouvé preneurs, notamment dans la restauration traditionnelle », souligne le directeur des études d'Altares.Le secteur de la restauration traditionnelle, qui a déjà vu se réaliser de nombreuses opérations pendant la période du Covid, porte traditionnellement un tiers des transactions. Avec 4.497 établissements repris, il reste en 2023 sur la plus haute marche du podium, devant la restauration rapide et les débits de boissons.

Les transactions sur les pharmacies, activité qui se démarque au fil des années, et les opérations sur les supermarchés sont pour beaucoup à l'origine de la hausse des prix. Les premières conservent le prix de vente moyen le plus élevé, à près de 1,3 million d'euros (+8,6 %), quand les seconds ont vu le leur plus que doubler, à plus d'1 million d'euros, sous l'effet notamment du démantèlement du parc de l'enseigne Casino.

Une autre envolée des prix se retrouve du côté de l'hôtellerie. Après une poussée de 30 % en 2022, le prix de cession d'un hôtel a progressé de près de 20 % en 2023, pour atteindre 515.000 euros. « A ces montants, les acquéreurs sont rares dans les territoires », souligne le consultant, qui n'exclut pas que la situation se tende un peu plus, alors que les difficultés pour recruter peuvent freiner déjà les acheteurs. Résultat : après avoir reculé de près de 11 % sur toute l'année 2023, le nombre de transactions sur les hôtels a plongé de 22 % au premier trimestre 2024.

Moins 22 %, c'est précisément l'ampleur du recul des transmissions de boulangeries-pâtisseries en 2023. Essentielle pendant le Covid, l'activité s'était jusqu'à peu bien défendue, mais la situation s'est inversée avec la hausse des coûts de l'énergie et une consommation des ménages en repli. Sans compter, ajoute Thierry Millon, le prix de la reprise, à plus de 220.000 euros - toutefois en baisse de 6 % en 2023.

Confiant, le réseau Michel Simond qui a, lui, enregistré de « belles cessions de boulangeries au premier trimestre » table sur un maintien de son activité cette année. Pour Mélanie Aloui-Allamand, le marché de la petite entreprise reste une valeur sûre.