« Avec le recyclage des panneaux photovoltaïques, nous faisons face à une vague qui ne va cesser de grossir », résume Nicolas Defrenne, le directeur général de Soren, l'éco-organisme créé en 2015 pour piloter cette activité. En 2022, quelque 3.800 tonnes de panneaux photovoltaïques ont été recyclées en France. Mais les volumes à traiter vont sans doute dépasser les 40.000 tonnes en 2030, avant encore de tripler d'ici à 2040 - les panneaux ayant une durée de vie moyenne de 15 à 25 ans.

Encore émergente, la filière orchestrée par Soren tente de monter en puissance. En 2018, Veolia avait inauguré une première usine à Rousset, près d'Aix-en-Provence, pour traiter tous les panneaux récoltés en France. Mais la qualité du recyclage n'était pas au rendez-vous et le géant de l'eau et des déchets n'a pas été retenu pour l'appel d'offres suivant.

Broyage-déchiquetage

Soren semble miser sur des acteurs plus modestes. En 2021, l'éco-organisme a retenu trois nouvelles entreprises. La première est un poids lourd du recyclage des métaux ferreux, le belge Galloo et son usine d'Halluin (Nord) qui maîtrise bien le broyage-déchiquetage. Ce procédé consiste à réduire en miettes les panneaux dans un énorme broyeur puis à trier les matériaux dans des bains successifs de différentes densités : d'abord les plastiques puis les différents métaux. Ce système, très efficace, permet de traiter des tonnages très importants.

« Nos équipements sont polyvalents mais nous travaillons par lots distincts. Nous sommes donc capables de tracer tout ce que l'on fait. Et si les panneaux solaires ne représentent que 1 % de nos volumes, c'est une activité qui nous intéresse. En 2024, nous allons d'ailleurs investir 15 millions d'euros pour récupérer encore plus finement certains métaux », précise Rudy Hennion, le responsable d'exploitation de Galloo.Les deux autres entreprises choisies sont plus petites : l'une à Saint-Loubès, au nord de Bordeaux, l'autre à Toulouse. Un choix qui semble logique. La Nouvelle-Aquitaine est la première région photovoltaïque avec 23 % de la capacité installée, devant l'Occitanie (19 %).Ces deux entreprises appartiennent au réseau Envie regroupant cinquante entreprises autonomes qui accompagnent des salariés en réinsertion, notamment pour traiter les déchets d'équipements électriques et électroniques (D3E). « Nous nous sommes donc naturellement intéressés à ce nouveau marché du démantèlement des panneaux photovoltaïques », explique Franck Zeitoun, président d'Envie 2E Occitanie.

Revente des matériaux

Soren mise sur le progrès technique pour aller au-delà des exigences de la directive européenne de 2012 qui se contente aujourd'hui d'imposer le recyclage à hauteur de 85 % du poids du panneau. Insuffisant, selon Nicolas Defrenne : « L'argent ne représente que 0,08 % du poids d'un panneau mais 20 % de sa valeur. Pour le silicium, c'est 2,9 % du poids pour 40 % de la valeur. Donc, si l'on se contente de répondre à l'exigence réglementaire, on travaille sur à peine un quart de la valeur », explique-t-il.

L'éco-organisme pousse donc les nouveaux acteurs à innover. A l'image d'Envie 2E Aquitaine qui utilise la délamination à chaud. Ce procédé nouveau consiste à décoller la partie souple du panneau qui recèle les matériaux nobles de la plaque de verre. Envie 2E Aquitaine est la seule entreprise au monde à utiliser cette machine venue du Japon. « C'est un investissement de 2 millions d'euros, soit trois années de résultat, mais qui nous offre une bonne avance sur la concurrence », justifie Frédéric Seguin, son directeur général. Rosi Solar une start-up grenobloise qui valorise des recherches menées au CNRS avec un procédé breveté, se charge ensuite de récupérer le silicium, l'argent, et le cuivre.

Envie 2E Occitanie prévoit, pour sa part, d'investir au total 7 à 8 millions d'euros dans sa propre ligne de broyage. « Cette technique nous semble aujourd'hui la plus adaptée mais nous n'écartons pas d'autres pistes. Nous nous attendons à atteindre un volume de 5.000 tonnes par an. Ce qui devrait intervenir d'ici trois ans », explique Franck Zeitoun.L'entreprise, qui emploie 300 salariés pour un chiffre d'affaires de 22 millions d'euros, a collecté l'an dernier 1.500 tonnes de panneaux sur 13 départements. Selon leur état, ils sont envoyés à Saint-Loubès pour la délamination ou chez Ecomet, en Belgique pour être broyés. Le succès du recyclage et sa visibilité constituent un enjeu primordial pour tout le secteur. « On entend encore des opposants au photovoltaïque prétendre que les panneaux ne sont pas recyclables. La filière ne peut donc prêter le flanc à la critique dans ce domaine », analyse Emmanuel Bejanin, directeur régional délégué de l'Ademe en Nouvelle-Aquitaine. A raison d'un emploi à temps plein pour traiter 120 tonnes de panneaux par an, on estime que le recyclage devrait employer à terme au moins 2.000 personnes et compter une dizaine de centres en France.

Si les PME sont encouragées à travers Soren, elles pourraient toutefois subir le retour en force d'acteurs plus puissants, attirés par ce marché d'avenir. Selon le cabinet Rystad Energy, le recyclage des panneaux solaires photovoltaïques devrait exploser pour atteindre une valeur de 2,7 milliards de dollars d'ici à 2030.