L'incertitude n'a jamais été aussi élevée en cette rentrée pour les chefs d'entreprise, réunis à l'occasion de l'université d'été du Medef lundi et mardi à l'hippodrome de Longchamps. « Nous avons réalisé un premier semestre record mais je n'ai pas pris de vacances cet été, tout peut basculer tant les tensions internationales, qu'elles soient politiques, commerciales ou réglementaires sont nombreuses », résume Guy Sidos, directeur général de Vicat, le troisième cimentier français.
Selon une étude de McKinsey publiée en juillet sur la reconfiguration des flux mondiaux, l'instabilité géopolitique se place en effet« de très loin » en tête des facteurs de risques à 12 mois cités par les 1.000 dirigeants régulièrement interrogés par le cabinet de conseil. Pour cause, la France est un pays dont le taux d'ouverture au commerce extérieur atteint 73 %, contre 27 % pour les Etats-Unis et 38 % pour la Chine. Les entreprises hexagonales dépendent des marchés étrangers pour deux tiers de leurs revenus quand les acteurs américains ne tirent que 32 % de leur activité à l'international.Menace d'un embrasement au Moyen-Orient
Les tensions diplomatiques avec la Chine sont d'abord suivies comme le lait sur le feu. Le rapport précise que les entreprises françaises ont accru leur dépendance à Pékin dans le domaine des équipements électriques, des matériels de transport et des produits chimiques. Les exportations hexagonales de textile et d'habillement haut de gamme vers l'empire du Milieu ont par ailleurs doublé en cinq ans.La menace d'un embrasement au Moyen-Orient et ses conséquences sur les flux de marchandises en mer Rouge font par ailleurs craindre aux entreprises une nouvelle crise des approvisionnements. Un scénario qui n'exclut pas non plus une extension de la guerre en Ukraine. Comme si cela ne suffisait pas, les 60 élections prévues en 2024, qui toucheront la moitié de la population mondiale, brouillent un peu plus les cartes des patrons. La principale incertitude sur ce front portant sur l'issue du match cet automne entre Donald Trump et la candidate démocrate Kamala Harris aux Etats-Unis. L'annonce vendredi par le président de la Réserve fédérale Jerome Powell d'une baisse des taux dès la semaine prochaine a aussi remis du baume au coeur des chefs d'entreprise, pris en sandwich entre une croissance mondiale atone, une inflation et des taux d'intérêt élevés.
Cette situation a mis à terre le secteur du bâtiment et de la promotion qui traverse « une période cataclysmique », souligne Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Mais le rythme de cette baisse des taux américains et son ampleur restent à préciser. « L'immobilier a été longtemps méprisé par l'Elysée et par Bercy, j'attends du nouveau Premier ministre des mesures rapides pour provoquer un choc de la demande mais aussi de l'offre », conclut Pascal Boulanger. Heureusement que les entreprises sont bien mieux armées pour naviguer dans le gros temps. « Depuis cinq ans, on a appris à ne pas paniquer au premier coup de volant et à composer avec l'incertitude en régionalisant nos chaînes de valeur », ajoute Boris Lombard, le président de KSB en France, groupe leader mondial de pompes, de la robinetterie industrielle et leurs services associés. Robert Dambo, président du cabinet de conseil Grant Thornton confirme que les entreprises sont devenues bien plus résilientes et agiles face aux incertitudes, par comparaison avec l'époque pré-Covid. « Les grands groupes étaient déjà bien outillés et formés mais ce sont les ETI qui ont particulièrement progressé sur ce point ».Biocodex, leader mondial dans le domaine des microbiotes qui produit en France l'Ultra-Levure, en est une bonne illustration. En cinq ans, la part de ses revenus tirés de son marché historique est passée de 70 % à 50 % grâce à une diversification sur le marché de la santé féminine - il a acquis en 2020 Saforelle, marque leader d'hygiène intime en France - et des maladies orphelines. Présent sur une centaine de marchés assurant 70 % de son chiffre d'affaires, contre 25 % il y a vingt ans, le groupe familial vient d'élargir son spectre géographique en ouvrant une nouvelle filiale au Vietnam.